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Le beurre et l’argent d’Uber : quand les chauffeurs se font rouler


Entre les conditions précaires et les déconnexions imposées régulièrement, les chauffeurs se disent totalement floués par Uber. (illustration AFP)

Alors qu’aucune le conflit avec Uber s’enlise, des chauffeurs VTC témoignent de leurs conditions de travail, entre précarité et sabotage. Tandis que le géant américain prend le beurre et l’argent d’Uber, eux se font rouler et payent le prix fort pour travailler. Ces témoins ont choisi l’anonymat, par crainte des représailles.

Malek, la trentaine : « Les bonnes manières façon Uber »

« J’ai été déconnecté le premier jour où j’ai travaillé avec Uber, après cinq courses. Au début, il suffit qu’un client vous mette une note de 1 sur 5 pour faire chuter votre moyenne et vous faire déconnecter. Par la suite, j’ai su quel client m’avait mis une mauvaise note : j’avais refusé de franchir la ligne blanche pour le déposer de l’autre côté de la rue, où il habitait. Je lui avais proposé de continuer pour faire demi-tour mais il n’a pas voulu. J’ai été convoqué avec d’autres VTC dans une salle lugubre dans le Val-d’Oise où un ancien chauffeur nous a donné une leçon sur les bonnes manières façon Uber. »

Tom, 60 ans : « Des journées de 14 ou 16h »

« J’ai démarré avec Uber il y a quatorze mois, après deux ans à chercher un emploi. J’avais fait un business plan avec un chiffre d’affaires de 6 000 euros et en prenant un crédit pour investir dans un véhicule à 25 000 euros. Avec la baisse des prix, j’ai réussi à tenir mon objectif en jouant sur la variable temps, avec des journées de travail de 14 ou 16 heures. Les charges d’entretien de ma voiture sont terribles : elle me coûte autour de 1 900 euros par mois, auxquels il faut ajouter l’essence et les éventuelles réparations. Récemment, je me suis fait plafonner par un motocycliste, j’ai payé 700 euros pour la franchise. Cet été, j’ai travaillé un mois et demi dans le Sud car à Paris c’était mort. Je dormais en camping. Ce déplacement m’a coûté 1 800 euros mais il a bien fallu que je le tente. »

Sylvia, 32 ans : « Envie de m’investir malgré tout le stress »

« J’ai quitté mon CDI dans une banque pour devenir VTC. Je ne regrette pas car j’adore ce travail, les rencontres qu’on y fait. J’ai envie de m’investir malgré tout le stress. Quand j’ai décidé de me lancer, en mars dernier, je savais que c’était compliqué mais pas à ce point-là. Aujourd’hui, je conduis le minimum pour payer mes charges, soit 7 heures par jour et 6 jours par semaine. En parallèle, j’essaie de développer mon propre réseau comme indépendante. J’ai la chance de pouvoir bénéficier du chômage et d’avoir un peu d’argent de côté, mais ça ne va pas durer. Je me suis fait déconnecter une fois. Ma cliente avait un bébé et j’ai refusé de la prendre sans siège adapté. Elle est allée chercher le sien et elle a perdu 10 minutes. Ensuite j’ai reçu un mail que je n’ai pas vu tout de suite et auquel je devais répondre dans les 48 heures sous peine d’être déconnectée. Il m’a fallu deux jours et plus d’une dizaine d’appels pour pouvoir de nouveau travailler. »

Kamel, trentenaire : « Il me reste 1 000 euros maximum »

« Avant, j’étais commercial. J’ai entendu à droite et à gauche qu’Uber, ça gagnait bien, qu’on pouvait se faire jusqu’à 8 000 euros de chiffre d’affaires par mois. C’était vraiment alléchant, surtout quand on vit à Paris avec trois enfants. Je suis tombé dans un piège. Aujourd’hui, à la fin du mois, après les charges, il me reste 1 000 euros maximum. Moitié moins que ce que je gagnais comme commercial… Au bout de trois mois, j’ai commencé à avoir des problèmes familiaux, car ma femme ne me voyait plus, je courais tout le temps derrière les clients. Je faisais des journées de 13 heures, sept jours sur sept, c’était hyper dangereux. Moi, je donne pas d’eau, je donne pas de bonbons, j’ouvre pas les portes, je mets pas de cravate. Je le dis au client : je fais des courses à quatre euros. Si je vous donne des bonbons, je ne sais pas ce qu’il me reste après ».

Le Quotidien/AFP

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