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L’Allemagne choisit Scholz, défaite historique pour la CDU de Merkel


Olaf Scholz, vice-chancelier austère et ministre des Finances du gouvernement Merkel, est a priori le nouveau chancelier allemand. (photo AFP)

Les sociaux-démocrates ont revendiqué dimanche soir la première place aux élections législatives allemandes devant les conservateurs d’Angela Merkel, tombés à un niveau historiquement bas et qui ternissent la retraite politique programmée de la chancelière.

Emmenés par le ministre des Finances et vice-chancelier sortant Olaf Scholz, ils recueillent entre 24,9% et 25,8% des voix, contre 24,2% à 24,7% pour l’Union chrétienne-démocrate (CDU) d’Angela Merkel et son dauphin Armin Laschet. Les Verts s’adjugent la troisième position avec 14,7% et 14,8% des suffrages, devant le Parti libéral FDP à 11,2% et 11,8%.

« Nous avons le mandat pour former un gouvernement. Olaf Scholz va devenir chancelier », s’est empressé d’annoncer le secrétaire général du parti social-démocrate, Lars Klingbeil.

Pour les chrétiens-démocrates, les « pertes sont amères », a de son côté admis Paul Ziemiak, numéro deux de la CDU. Jamais le parti n’était tombé sous le seuil de 30%. En 2017, il avait encore enregistré 32,8% des suffrages.

Quoi qu’il arrive, les résultats qui se profilent en Allemagne marquent une renaissance inattendue du parti social-démocrate, donné moribond il y a encore quelques mois. Les sondages ont été accueillis par une clameur de joie au siège berlinois du parti. Une part importante des électeurs ayant voté par correspondance, cette première tendance pourrait cependant être corrigée au fil de la soirée après les premiers dépouillements.

« Catastrophe » pour la CDU

Les chrétiens-démocrates sont eux assurés de subir un revers sans précédent, qui va entraîner des remous en interne et promet une succession compliquée d’Angela Merkel. Le score inférieur à 30% est une « catastrophe », selon le quotidien populaire Bild. Ce revers jette une ombre sur la fin de règne d’Angela Merkel, dont la popularité reste au zénith au terme de quatre mandats mais qui s’est avérée incapable de préparer sa succession.

Les Verts et leur candidate Annalena Baerbock, un temps favoris du scrutin, manquent le coche avec, selon ces sondages, entre 14 et 15%. Maigre motif de satisfaction : ils battent leur record de 2009, quand ils avaient obtenu 10,7% des voix, et progressent de six points par rapport à 2017.

Les libéraux du FDP, quatrième avec environ 12%, apparaissent comme les « faiseurs de rois » incontournables pour bâtir une future coalition. L’extrême droite de l’AfD, dont l’entrée au Bundestag avait été le principal fait saillant du précédent scrutin de 2017, confirme son enracinement dans le paysage politique allemand. Mais avec entre 10 et 11%, ce parti islamophobe miné par des conflits internes, est en léger recul par rapport à il y a quatre ans (12,6%).

Si la tendance se confirme, Olaf Scholz, vice-chancelier austère et ministre des Finances du gouvernement sortant, a ainsi des chances de succéder à Angela Merkel, chancelière depuis 16 ans, et d’enclencher le « changement » promis en fin de campagne. Ce social-démocrate tendance centriste va cependant devoir bâtir une coalition à trois partis, une première dans l’histoire contemporaine allemande.

Les tractations risquent ainsi de durer plusieurs mois, au grand dam des partenaires de la première économie européenne, qui craignent une paralysie de l’UE jusqu’à début 2022. Les Verts, qui n’ont pas caché durant la campagne leur disponibilité pour entrer dans un gouvernement social-démocrate, devraient faire partie de l’attelage.

Les tractations lancées

L’identité de la troisième force d’appoint reste elle totalement incertaine. Les libéraux du FDP, clairement marqués à droite, sont un partenaire possible dans le cadre d’une coalition dite « feu tricolore ». Autre partenaire possible, la gauche radicale de Die Linke, qui rassemble selon ces sondages, environ 5%, n’est pas assurée de passer la barre des 5% et d’ainsi sauver son groupe au Bundestag. Olaf Scholz s’est montré ouvert à des discussions avec ces deux formations en désaccord sur pratiquement tous les sujets.

Les tractations risquent de durer plusieurs mois et retarder ainsi le départ effectif d’Angela Merkel, 67 ans dont plus de 30 passés en politique. Les conservateurs eux-mêmes n’ont pas dit leur dernier mot. Leur chef de file, le maladroit et impopulaire Armin Laschet, avait prévenu durant la campagne qu’il pourrait tenter, même cantonné en deuxième place, de bâtir une coalition qui le propulserait à la chancellerie.

Après une campagne chaotique marquée par ses erreurs et insuffisances, Armin Laschet, le grand perdant de la soirée à ce stade, va cependant devoir se montrer très persuasif. Comme un acte manqué, en votant il a enfreint la règle du secret du bulletin, en laissant apparaître son choix devant les caméras.

L’après Merkel risque au final de donner lieu à une nouvelle guerre des chefs au sein de la droite allemande, où la question de l’avenir d’Armin Laschet à la tête de la CDU est posée, huit mois après son élection.
Après avoir imposé au forceps sa candidature au printemps face au Bavarois Markus Söder, bien plus populaire que lui, l’actuel dirigeant de la vaste région de Rhénanie du nord-Westphalie a en effet précipité son camp dans le mur en multipliant les gaffes, dimanche encore au moment de glisser son bulletin dans l’urne, et en se montrant incapable de mobiliser un camp conservateur gagné par l’usure du pouvoir.

LQ/AFP

Olaf Scholz, le social-démocrate qui se pose en héritier de Merkel

Vice-chancelier et grand argentier du gouvernement, le très modéré social-démocrate Olaf Scholz s’est hissé au rang de favori pour prendre les rênes de l’Allemagne en suivant une stratégie simple : apparaître comme le véritable héritier d’Angela Merkel.

Régulièrement moqué pour son allure austère et ses discours débités d’un ton d’automate – qui lui valent le surnom de « Scholzomat » – l’ancien maire de Hambourg est parvenu grâce à ce tour de force à se placer en pole position des législatives de dimanche.

Sans faire de vague et en profitant des faiblesses et erreurs de ses adversaires, il est ainsi en mesure de succéder à une Angela Merkel dont il cherche à apparaître comme le seul légataire, cultivant un mimétisme avec la dirigeante jusque dans la gestuelle. Une stratégie en forme de pied-de-nez à son rival conservateur Armin Laschet, à qui ce rôle devrait en principe être dévolu puisqu’il dirige le parti (CDU) de la chancelière.

« Bazooka »

Le rebond du SPD dans les intentions de vote était inespéré pour un parti donné il y a un an encore comme moribond. Social-démocrate tendance centriste, M. Scholz, a réussi à convaincre à 63 ans avec une image de compétence. Il avait succédé en 2018 au ministère des Finances au très orthodoxe chrétien-démocrate Wolfgang Schaüble.

Le ministre a rompu avec le ton parfois cassant et moralisateur de son prédécesseur, surtout à l’encontre des pays du Sud de l’Europe. Mais il s’est bien gardé de détricoter sa gestion financière inflexible. Au plan local, l’ancien édile, marié sans enfant à une membre du SPD, avait pu apparaître dispendieux, faisant de la petite enfance et du logement social les priorités de son mandat à Hambourg.

Mais si l’élu a fait exploser le budget de sa ville entre 2011 et 2018, il s’en est tenu une fois ministre à son credo : « On ne donne que ce que l’on a ».

Son positionnement centriste a contribué à le marginaliser au sein-même de son parti, au point qu’en 2019, les militants lui ont préféré pour les diriger un duo de quasi inconnus mais nettement plus à gauche. Scholz est néanmoins parvenu à rebondir à la faveur de la pandémie, n’hésitant pas à rompre avec la doxa budgétaire et à sortir le « bazooka » de la dépense.

Après une décennie à cumuler les excédents, l’Allemagne a ainsi contracté des centaines de milliards d’euros de nouvelles dettes, dérogeant à ses règles constitutionnelles très strictes. « Tout cela est cher, mais ne rien faire aurait été encore plus cher », répète Olaf Scholz, opposé à l’allègement de l’impôt sur les grandes fortunes promis par les conservateurs et favorable à un relèvement du salaire minimum.

Malgré le désaveu de 2019, le SPD, un des plus vieux partis européens, a ainsi choisi Olaf Scholz pour défendre ses couleurs, en dépit des critiques visant le ministre suite à la faillite retentissante de la société financière Wirecard.

« Énorme différence »

Celui qui assure « rire plus souvent que les gens ne pensent », a aussi été rattrapé en fin de campagne par une affaire de blanchiment d’argent mettant en cause son ministère, sans grave conséquence dans les sondages.

Né à Osnabrück le 14 juin 1958, Olaf Scholz rejoint le SPD dès 17 ans. Il a alors les cheveux longs et flirte un temps avec les idées les plus à gauche du parti. Le crâne désormais lisse, Olaf Scholz devient avocat spécialiste du droit du travail et est élu député en 1998. Lors de son mandat de secrétaire général du SPD (2002-2004), Scholz doit alors tous les jours expliquer devant les caméras le détail des impopulaires reformes libérales du chancelier Schröder. Après une série d’échecs électoraux, il cède en 2004 son poste de secrétaire général. Avant de rebondir en 2007 au ministère du Travail.

Avec Angela Merkel, qui l’a publiquement soutenu en 2017 après de violentes manifestations au sommet du G20 de Hambourg, il entretenait une relation de confiance. Face à la défaite annoncée de son camp, la chancelière a cependant dû se résoudre en fin de campagne à pointer leur « énorme différence ».

 

 

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