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La sécheresse ravage les marais du jardin d’Éden


L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) rappelle que les marais sont «une des régions les plus pauvres d'Irak et parmi les plus touchées par le changement climatique». (Photo : afp)

Dans le sud de l’Irak, la sécheresse a emporté des pans entiers de marais mésopotamiens du mythique jardin d’Éden. Les marais ont déjà connu la sécheresse, mais l’impact sur la terre comme sur les habitants est sans précédent.

Pour nourrir et rafraîchir ses buffles, Hachem Gassed doit désormais parcourir une dizaine de kilomètres à travers des terres arides, brûlées par le soleil. Dans les marais de Hawizeh, chevauchant la frontière avec l’Iran, ou ceux très touristiques de Chibayich, de vastes étendues de terres humides ont cédé la place à des sols craquelés, parsemés d’arbustes jaunissants. En cause : trois années de sécheresse, des précipitations en baisse et un débit réduit des fleuves venus des pays voisins, Turquie et Iran, en raison des barrages construits en amont. «La sécheresse touche les hommes autant que les animaux», raconte l’homme de 35 ans, habitant un hameau près de Hawizeh.

« Ces marais sont notre gagne-pain »

Autour de lui, l’immense lac d’Oum al-Naaj est devenu une terre aride. Par endroit subsistent des flaques d’eau boueuse et des rivières étranglées. On devine les lits asséchés des ruisseaux qui serpentaient dans des marais jadis luxuriants, inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco. Comme son père avant lui, Hachem élève des buffles. «Ces marais sont notre gagne-pain : on y pêchait et nos bêtes pouvaient y paître et s’y abreuver.»

De la trentaine de têtes du troupeau familial, il n’en reste que cinq. Les autres buffles sont morts ou ont été vendus pour boucler des fins de mois difficiles. Ceux qui restent doivent être surveillés : ils pourraient se noyer dans la boue, car incapables de s’en extirper.

Disparition des animaux

Les marais ont déjà connu des années de sécheresse, avant des saisons de pluies fastes qui viennent les ressourcer. Entre 2020 et 2022, dans les marais du sud de l’Irak, notamment ceux de Hawizeh et Chibayich, 41 % des zones marécageuses ont souffert d’une réduction du niveau de l’eau et d’une baisse de l’humidité, tandis que 46 % de ces zones ont perdu des eaux de surface, selon l’ONG néerlandaise PAX, qui se base sur des données satellitaires. Notant «une baisse sans précédent du niveau de l’eau», l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) rappelle que les marais sont «une des régions les plus pauvres d’Irak et parmi les plus touchées par le changement climatique». L’agence souligne «l’impact désastreux» sur plus de 6 000 familles, «en train de perdre leurs buffles, leur unique gagne-pain».

Avant, on y trouvait de la verdure, de l’eau, la paix intérieure. Maintenant, c’est comme un désert

Mobilisé à Hawizeh, le militant écologiste Ahmed Saleh Neema fustige les conséquences environnementales : «Il n’y a plus de poissons, de loutres à pelage lisse, de sangliers.» Un désastre pour ces marais abritant «de nombreuses populations d’espèces menacées», selon l’Unesco. Le secteur représente «un des plus grands sites d’escale et d’hivernage» pour les canards et une étape majeure pour environ 200 espèces d’oiseaux migrateurs.

Ceux de Hawizeh sont irrigués par deux effluents du fleuve Tigre, qui prend sa source en Turquie, assure Ahmed Saleh Neema. Leur débit a été réduit, dit-il, les autorités pratiquant un rationnement pour couvrir les besoins en eau du pays. «Le gouvernement veut préserver la plus grande quantité d’eau possible», reconnaît le militant, critiquant toutefois «une mauvaise gestion du dossier». Sous la pression de manifestations, les autorités ont rouvert partiellement les vannes, avant de les refermer, dit-il.

À la recherche d’eau

Côté iranien, ces marais appelés Hoor al-Azim souffrent également de stress hydrique : la moitié du secteur iranien est actuellement asséché, rapportait récemment l’agence officielle IRNA. «Le principal fleuve côté iranien qui alimente les marais de Hawizeh est totalement coupé depuis plus d’un an», explique Hatem Hamid, directeur du centre gouvernemental de gestion des ressources hydriques en Irak. Côté irakien, les besoins en eau des activités agricoles ou des marais sont couverts pour moitié seulement, reconnaît-il, car une des «priorités» est de fournir de l’eau potable. Par plus de 50 degrés, «impossible de compenser l’évaporation très élevée dans les marais», ajoute-t-il.

Les responsables mettent en avant des canaux et ruisseaux réhabilités pour alimenter les marais : après avoir quitté les zones asséchées, c’est ici que les familles s’installent. Nichés entre les fleuves Tigre et Euphrate, les marais mésopotamiens – considérés par certains comme le jardin d’Éden de la Bible – ont déjà souffert du temps de l’ancien régime. Pour éradiquer l’insurrection qui s’y cachait, le dictateur Saddam Hussein les avait fait assécher dans les années 1990. Depuis, leur surface humide a été divisée par deux.

À Chibayich, Ali Jawad, 20 ans, déplore le récent départ de dizaines de familles de son hameau. «Elles ont migré vers d’autres régions, à la recherche de zones où il y a de l’eau», explique-t-il : «Avant, quand on venait dans les marais, on y trouvait de la verdure, de l’eau, la paix intérieure. Maintenant, c’est comme un désert.»

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