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Iran/Arabie : pas de guerre frontale mais une déstabilisation accrue


Des partisans du religieux chiite Moqtada al-Sadr essaient d'entrer dans la zone verte de Bagdad où se trouve l'ambassade saoudienne le 4 janvier 2016, pendant une manifestation contre l'exécution de Nimr al-Nimr. (Photo : AFP)

Le Moyen-Orient devrait connaître une augmentation des actes de déstabilisation, mais le risque d’une confrontation militaire entre l’Arabie saoudite et l’Iran apparaît limité, selon des experts et des diplomates dans le Golfe.

«L’Iran ne va pas entrer en guerre avec le royaume saoudien», prédit un diplomate occidental.

S’ils écartent un conflit direct, des responsables dans le Golfe évoquent plutôt des tentatives de déstabilisation supplémentaires de la part de l’Iran avec de possibles attaques à venir contre des intérêts saoudiens et arabes au Moyen-Orient.

Il y aura aussi plus d’attentats contre des mosquées chiites, notamment en Irak, ajoutent d’autres sources.

Pour sa part, le roi Salmane, qui a accédé au trône saoudien il y a près d’un an et rompu avec les politiques hésitantes du passé, est prêt à «relever le défi et le combat, quel qu’en soit le prix» si Téhéran décide de poursuivre «l’escalade», affirme Mustafa Alani, spécialiste de questions de sécurité et directeur au Gulf Research Center.

«Cela va être beaucoup plus vicieux» avec des actions «par procuration», prévient le diplomate qui ne «croit pas» à une guerre frontale entre les deux grands rivaux chiite et sunnite du Moyen-Orient.

«Ce n’est pas le moment pour les Iraniens d’aller faire exploser des mines dans le Golfe», alors qu’ils attendent la levée des sanctions à la suite de l’accord sur le nucléaire en juillet, et qu’ils vont «commencer à exporter leur pétrole», analyse-t-il.

La crise entre Ryad et Téhéran a été déclenchée par l’exécution samedi de 47 «terroristes», dont le dignitaire chiite Nimr al-Nimr, en Arabie saoudite. Les attaques de représailles menées contre des missions diplomatiques saoudiennes en Iran ont entraîné la rupture par l’Arabie des relations diplomatiques avec l’Iran qui a «regretté» le saccage des représentations.

Les relations entre Ryad et Téhéran évoluent en dents de scie depuis la révolution islamique de 1979 en Iran. Les deux pays ne sont jamais entrés en guerre, mais avaient déjà rompu leurs relations de 1987 à 1991 après de sanglants affrontements entre pèlerins iraniens et forces saoudiennes lors du pèlerinage de La Mecque en 1987.

Le conflit qui a débuté en 2011 en Syrie a été un facteur majeur de détérioration des rapports entre Téhéran et Ryad.

« Aucun compromis »

Les experts interrogés s’accordent à dire que l’escalade actuelle aura des conséquences au moins sur les conflits en Syrie mais aussi au Yémen, où les deux puissances ont des intérêts conflictuels. La crise devrait, selon eux, affecter les efforts engagés sous la pression des grandes puissances pour faire aboutir les négociations en vue de règlements politiques.

Pour tenter de sauver le processus, le médiateur de l’ONU pour la Syrie Staffan de Mistura est arrivé lundi soir à Ryad et il se rendra ensuite à Téhéran et à Damas, tandis que celui pour le Yémen Ismaïl Ould Cheikh Ahmed doit se rendre en Arabie mercredi.

L’ambassadeur saoudien à l’ONU Abdallah al-Mouallimi a affirmé que la rupture des relations avec l’Iran n’empêcherait pas l’Arabie de «continuer à travailler dur pour soutenir les efforts de paix en Syrie et au Yémen» et qu’elle participerait aux pourparlers de paix sur la Syrie prévus en principe à partir du 25 janvier à Genève.

Selon l’expert Mustafa Alani, les Saoudiens n’ont «aucunement l’intention d’alimenter l’escalade» avec les Iraniens. Mais il n’y aura «aucun compromis» et ils vont «durcir leur attitude» concernant la Syrie, l’Irak, le Liban et le Yémen pour contrer ce qu’ils considèrent comme une «politique agressive» de la part de l’Iran.

Les précédents dirigeants saoudiens ont «retardé pendant longtemps» la résistance au «défi iranien» dans le monde arabe, «fermant les yeux» sur les actions de Téhéran, et leurs successeurs pensent qu’«il est temps maintenant de relever le défi partout», explique M. Alani.

En exécutant Nimr Baqer al-Nimr, le royaume saoudien a aussi donné des gages au clergé conservateur wahhabite, mais a pris le risque de provoquer la minorité chiite qui se concentre dans la Province orientale, riche en pétrole, indiquent des experts.

«Le soutien iranien à cheikh Nimr sera salué par de nombreux chiites (dans le monde musulman), même ceux qui n’approuvent pas le système iranien, car ils ne voient quasiment personne parler en leur faveur», souligne Jane Kinninmont, de l’institut Chatham House à Londres.

AFP/M.R.

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