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Désaccord des grandes puissances pour sortir du chaos syrien


"Le fait d'avoir le même ennemi ne veut pas dire" pour ces pays "mettre la même priorité à le combattre et de la même manière", souligne un expert. (photo AFP)

La crise des migrants et le cadavre du petit Aylan ont remis au centre du débat la nécessité de sortir du « chaos syrien ». Mais Occidentaux, Russes ou Iraniens qui ont en ennemi commun le groupe Etat islamique semblent bien loin d’une démarche conjointe pour une sortie de crise.

Du côté de Moscou, allié du président syrien Bachar al-Assad, l’heure est à l’activisme diplomatique, sans oublier des livraisons d’armement régulières en Syrie qui inquiètent Washington. « Les Russes, qui ont tellement investi sur Assad, essayent d’entraîner le secrétaire d’Etat John Kerry dans une négociation sur la Syrie. C’est la danse des amours. Mais Barack Obama refuse de s’impliquer » en ce sens, résume un diplomate européen sous couvert d’anonymat.

À la tête d’une coalition arabo-occidentale, les Etats-Unis bombardent depuis un an en Irak et Syrie le groupe EI. Ils affirment y remporter des succès, mais l’opinion publique a plutôt retenu les pertes de la ville irakienne de Ramadi et de la cité antique syrienne de Palmyre.

« Des bombardements aériens ne sont évidemment pas suffisants, et on se demande même si c’est nécessaire », note Claire Talon, de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme. « Depuis un an, les frappes de la coalition n’ont rien changé. Elles ont au contraire favorisé la progression de Daech (acronyme arabe de l’Etat islamique) en Syrie ».

« Le fait d’avoir le même ennemi ne veut pas dire » pour ces pays « mettre la même priorité à le combattre et de la même manière », renchérit Emile Hokayem de l’International Institute for Strategic Studies (IISS), pour qui  » il y a des divergences fondamentales entre les Etats-Unis, la Turquie, les Etats du Golfe. »

Touchés par des attentats jihadistes meurtriers – 17 morts français à Paris en janvier, 30 britanniques en Tunisie en juin -, la France et la Grande-Bretagne qui s’interdisaient jusqu’alors d’agir militairement en Syrie, pour ne pas soutenir indirectement Assad, viennent de changer de cap et veulent pouvoir frapper des cibles en Syrie. L’Australie vient de se rallier à cette position.

« Un problème de stratégie »

Les experts sont cependant unanimes pour dire que leur nouvelle implication aérienne ne fera pas reculer le groupe jihadiste. « Ce n’est pas un problème de capacités, c’est un problème de stratégie » et « elle ne change pas en ajoutant des avions pour détruire plus de cibles », fait valoir l’expert de l’IISS.

Le président français François Hollande l’a implicitement admis lundi en soulignant la nécessité d’un changement de régime en Syrie et d’une concertation de tous les acteurs concernés. Notamment la Russie et l’Iran, autre soutien de Bachar al-Assad.

Redevenus des interlocuteurs sur la scène internationale après l’accord sur leur programme nucléaire, les Iraniens pourraient jouer un rôle clé dans une résolution du conflit syrien. Mais dans quel sens ? « Je ne les vois pas devenir plus accommodants, au contraire, ils sont engagés dans la survie d’Assad », relève Emile Hokayem. « Ils vont affecter des ressources supplémentaires à la guerre en Syrie », prédit Jeffrey White du Washington Institute for Near Esat Policy.

Et face à Téhéran, quel espace pour les pays arabes, Arabie saoudite en tête, qui voient aussi le groupe Etat islamique comme un ennemi mais qui considérent l’Iran comme leur principal rival ? Certains participent aux bombardements en Syrie. Mais leur aide aux opposants syriens n’est pas uniforme. « Les Saoudiens ne traitent pas avec le groupe Al-Nosra (filiale d’Al-Qaïda) alors que le Qatar le soutient », note un expert de la région.

Après plus de quatre ans de conflit sanglant qui a jeté sur les routes des millions de déplacés et réfugiés, la réunion autour d’une même table d’acteurs aux intérêts aussi divergents semble relever du voeux pieu. « La Syrie c’est un problème sans solution », juge un responsable occidental sous couvert d’anonymat.

L’urgence devrait être « de trouver une solution politique pour obtenir le départ de Bachar al-Assad, responsable de violences inouïes contre sa propre population et principal obstacle au retour à la paix », s’insurge Claire Talon. Selon elle, « c’est un biais dangereux que de ne se focaliser que sur Daech ». « La plupart des réfugiés qui quittent la Syrie le font à cause d’Assad, pas à cause de l’Etat islamique », abonde Emile Hokayem. « Il est le problème », confirme Jeffrey White.

 

AFP / S.A.

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