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Des défis colossaux pour la nouvelle Première ministre britannique


"Il n'y a qu'un sujet à l'agenda, le coût de la vie", résume Anand Menon, expert en politique de King's College à Londres (Photo : AFP)

Inflation record nourrie par la flambée du coût de l’énergie, grèves qui s’étendent, contexte de la guerre en Ukraine : Liz Truss fait face à des défis colossaux pour son entrée à Downing Street.

Portée au pouvoir par les adhérents du parti conservateur après une campagne très à droite, elle hérite en outre d’un parti divisé après 12 ans au pouvoir. Et le temps lui est compté jusqu’aux prochaines législatives prévues au plus tard en janvier 2025. Tous les sondages montrent à ce stade que l’opposition travailliste l’emporterait largement.

« Il n’y a qu’un sujet à l’agenda, le coût de la vie », résume Anand Menon, expert en politique de King’s College à Londres, alors que l’inflation a atteint en juillet 10,1%, la pire des pays du G7, avec des prévisions allant jusqu’à 22% pour l’an prochain si le prix de l’énergie continue à flamber. Mme Truss, 47 ans, a promis un premier train de mesures d’ici une semaine.

Elle s’y refusait en début de campagne, mais envisagerait désormais selon plusieurs médias un gel des prix de l’énergie, comme le réclamait l’opposition travailliste, alors qu’une hausse de 80% des factures d’énergie est prévue pour les ménages en octobre, et que de nombreuses petites entreprises étranglées par ces factures redoutent d’avoir à fermer.

« L’hiver de l’enfer »

Après l’été du mécontentement, « préparez-vous à l’hiver de l’enfer » titrait récemment le quotidien Evening Standard. Dans un pays menacé de récession, les grèves pour obtenir des revalorisations salariales, face à un pouvoir d’achat qui dégringole, ont notamment touché ces derniers mois les trains, le métro, les dockers, les éboueurs, et même les avocats commis d’office. D’autres sont prévues en septembre, nourrissant parfois la comparaison avec l’arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher en 1979, une Dame de fer avec laquelle Liz Truss soigne la ressemblance.

Mme Truss, qui était depuis un an ministre des Affaires étrangères et a occupé plusieurs postes dans différents ministères depuis 10 ans, n’était pas la favorite des députés conservateurs qui lui auraient préféré son rival, l’ancien ministre des Finances Rishi Sunak, jugé plus compétent pour gérer la crise.

« La grande question est de savoir si elle va réussir à convaincre ces députés du besoin d’aider les gens (…), et si les députés conservateurs vont lui accorder une lune de miel », ajoute M. Menon.

Soulignant en creux ce risque, le Premier ministre sortant Boris Johnson a appelé dimanche les conservateurs à se rassembler et à la soutenir « de tout leur coeur », alors que 52% des Britanniques estiment qu’elle sera une piètre voire très mauvaise Première ministre, selon un récent sondage YouGov.

Mme Truss a fait des baisses d’impôts une priorité, voulant ainsi relancer la croissance. Face aux inquiétudes et mises en garde, Kwasi Kwarteng, son ministre des Finances pressenti, a assuré lundi dans le Financial Times que son gouvernement agirait de manière « fiscalement responsable ».

Une inconnue, l’attitude de Boris Johnson

Liz Truss trouvera aussi dans sa corbeille les problèmes du Brexit inachevé, notamment la question épineuse du protocole nord-irlandais. Les traversées illégales de la Manche battent aussi des records, à plus de 27.000 déjà cette année, et le système de santé publique britannique souffre de difficultés chroniques.

Six mois après l’invasion russe, le président ukrainien Volodymyr Zelensky espère aussi tisser avec elle des « relations solides » qui « préserveront l’héritage de Boris », a-t-il écrit dans le Mail on Sunday. Mme Truss pourrait se rendre à Kiev rapidement. Succéder à Boris Johnson qui reste très populaire chez certains conservateurs regrettant sa démission forcée en juillet, ne sera pas non plus facile. Il est toujours député, et n’a rien dit de ses projets.

M. Johnson « était une présence perturbatrice à la Chambre (des députés), lorsque David Cameron et Theresa May étaient Premiers ministres », rappelle Pippa Catterall, professeure de sciences politiques à l’université de Westminster. Liz Truss affrontera mercredi sa première session de questions hebdomadaires à la Chambre. Perçue comme raide, elle n’a ni le charisme ni les talents d’orateur de Boris Johnson.

Elle n’a pas non plus les très bonnes connections qu’il pouvait avoir avec la presse, souligne Pippa Catterall, qui elle aussi pense que « la lune de miel pourrait être de courte durée ».

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