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Crise des migrants : Orban en père Fouettard impuissant


M. Orban s'est régulièrement attiré les foudres des instances européennes pour ses penchants autoritaires, depuis son retour au pouvoir en 2010. (photo AFP)

Partisan d’une ligne dure contre les migrants, le Premier ministre populiste hongrois Viktor Orban, un ancien opposant libéral au régime communiste, a endossé le costume de père Fouettard dans ce dossier, sans toutefois parvenir à endiguer le flux de réfugiés transitant par son pays.

Alors que l’Allemagne d’Angela Merkel a été encensée pour sa décision d’accueillir jusqu’à 800.000 nouveaux réfugiés cette année, la Hongrie de M. Orban s’est illustrée ces dernières semaines avec des images de milliers de migrants campant dans des gares ou errant sur les routes.

« Depuis 1956 (date de l’invasion soviétique, ndlr), il n’y a pas eu de réactions aussi négatives dans la presse internationale » concernant la Hongrie, note le politologue d’opposition Peter Balazs, qui déplore une « honte » pour le pays. La décision de Budapest, le weekend dernier, de faciliter provisoirement le transit vers l’Allemagne des migrants qui engorgeaient la capitale hongroise n’a fait qu’ajouter à la confusion, selon les analystes.

Malgré ses rodomontades, M. Orban a en réalité « perdu le contrôle de la situation », note le politologue Peter Kreko. Des milliers de migrants continuent ainsi de défier quotidiennement la police hongroise en franchissant la frontière serbe malgré l’érection cet été d’une clôture barbelée.

« Situation chaotique »

M. Orban perd sur tous les tableaux, selon M. Kreko: « incapable de défendre les frontières de la Hongrie », il a laissé prospérer une « situation chaotique ». Et il s’est dans le même temps « isolé sur le plan international » par sa rhétorique.

Jadis jeune figure de proue de l’opposition libérale au régime communiste, et devenu depuis un admirateur affiché du président russe Vladimir Poutine, M. Orban s’est régulièrement attiré les foudres des instances européennes pour ses penchants autoritaires, depuis son retour au pouvoir en 2010.

Triomphalement réélu en 2014, il voit son parti Fidesz désormais talonné par la formation ultranationaliste Jobbik et a encore durci son discours, qualifiant ces derniers jours les migrants syriens de simples « réfugiés économiques » et de « menace pour l’identité chrétienne de l’Europe ».

170 000 migrants arrivés en Hongrie depuis le début de l’année

Sur le fond toutefois, M. Orban se trouve littéralement pris « entre le marteau et l’enclume », souligne Blanka Kolenikova, de l’institut londonien IHS. D’une part, « quoi qu’il fasse pour limiter le flux de migrants, ce ne sera pas populaire (dans le reste du monde). Mais il doit répondre à une certaine pression au plan national. L’image de centaines de gens marchant le long des autoroutes n’est pas bonne pour lui », détaille-t-elle. D’autre part, il n’a guère de marge de manoeuvre en raison de ses engagements européens, souligne l’experte.

La Hongrie, qui a vu arriver près de 170 000 migrants depuis le début de l’année, est en effet légalement obligée de protéger sa frontière, qui marque la limite de l’espace Schengen, rappelle Mme Kolenikova. Et « les règles de Dublin étant toujours en vigueur, elle n’a pas d’autre choix que d’enregistrer les migrants ».

« Bouc émissaire »

Pour l’analyste Tamas Lanczi, de l’institut pro-gouvernemental Szazadveg, M. Orban « est un bouc émissaire commode pour les hommes politiques européens ».

La Hongrie « est soumise à la plus forte pression de réfugiés dans la région et connaît le plus de problèmes: il est pratique en Europe de l’Ouest de la dépeindre comme la source de tous les maux », d’autant que M. Orban « a déjà eu plusieurs différends avec l’UE », souligne-t-il.

Or selon Blanka Kolenikova, « tant que l’Union européenne n’apportera pas de solution globale à la crise, la Hongrie sera obligée de prendre des mesures au coup par coup pour gérer l’afflux de réfugiés ». « Et quoi que fasse M. Orban, il sera critiqué », note-t-elle.

Budapest espère parvenir à détourner bientôt le flux de migrants avec l’entrée en vigueur, le 15 septembre, d’une nouvelle législation permettant un déploiement de l’armée à la frontière, et prévoyant des peines de prison ferme pour tout franchissement illégal de la clôture.

Pour le politologue autrichien Peter Pelinka, enseignant à l’Université centre-européenne de Budapest, « le renforcement des frontières de l’UE reste dans la logique de l’UE, même si la technique de M. Orban peut être contestée ».

Les probabilités sont grandes que les migrants tentent à l’avenir de passer par la Croatie. « J’espère que Zagreb respecte ses engagements liés à Schengen. Tôt ou tard, elle devra réagir elle aussi », estime M. Lanczi.

 

AFP / S.A.

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