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Allemagne : la bière sans alcool brasse du monde


Lancée dans les années 1970, la bière sans alcool a initialement été pensée pour un marché de niche : les automobilistes, les femmes enceintes ou les anciens alcooliques. (Photo : afp)

Sa production a doublé en dix ans, et de plus en plus d’Allemands succombent à sa qualité et sa diversité : au pays où on lève volontiers sa chope, la bière sans alcool fait des émules. Et c’est parti pour durer !

Qu’importe l’ivresse, pourvu qu’il y ait la mousse! De nombreux Allemands troquent en effet leur habituelle pinte de blonde pour une bière sans alcool, séduits par une offre croissante et les avantages pour leur santé. Ainsi, au pays de l’Oktoberfest et des Biergarten, ces cafés en extérieur dédiés à ce breuvage, il n’est plus rare de croiser dans les bars ou lors de soirées des amateurs de bière contenant moins de 0,5 % d’alcool, soit la limite autorisée pour ce type de produits.

«J’aime le goût de la bière, mais je ne trouve pas raisonnable de la boire toujours avec de l’alcool», témoigne Kathrin Achatz, 40 ans, attablée au soleil à la brasserie BRLO, au centre de Berlin. Selon l’institut national de statistique, la production de bières sans alcool a presque doublé en dix ans, dépassant 670 millions de litres en 2022. Et une enquête de l’institut Allensbach en 2022 a révélé que près de dix millions de personnes en Allemagne avaient récemment acheté ou bu ce type de boisson, ce qui représente 7 % des achats de bières.

Des ventes grimpant de près de 60 % par an

«Nous constatons une forte croissance de la demande», confirme Holger Eichele, secrétaire général de la vénérable fédération des brasseurs, le lobby du secteur. Dans l’usine de la brasserie BRLO, située dans un quartier excentré de la capitale allemande, à deux pas d’un garage de voitures de collection et d’une plage urbaine, on a misé très tôt sur ce segment prometteur. En 2017, les trois fondateurs de cette entreprise, qui s’enorgueillit d’une production 100 % berlinoise, ont lancé la bière Naked – littéralement «nu» en anglais.

Un pari gagnant, avec des ventes grimpant de près de 60 % par an. «Depuis le tout premier jour, cette bière a été appréciée par nos clients», explique ainsi Michael Lembke, l’un des dirigeants de la brasserie. Au milieu d’un enchevêtrement de tuyaux et de tapis roulants sur lesquels passent des milliers de bouteilles, une quinzaine d’ouvriers en bottes s’activent pour préparer les commandes. Car près de 160 hectolitres de bière Naked sont produits ici tous les mois.

J’aime le goût de la bière, mais je ne trouve pas raisonnable de la boire toujours avec de l’alcool

Comment expliquer cet engouement ? Lancée dans les années 1970, la bière sans alcool a initialement été pensée pour un marché de niche : les automobilistes, les femmes enceintes ou les anciens alcooliques. Mais ces dernières années, l’offre a été diversifiée et élargie. Le nombre de marques a doublé depuis 2010, atteignant plus de 700, selon la fédération des brasseurs. Une conséquence de l’amélioration des techniques de brassages et des arômes, permettant d’améliorer le goût du produit, longtemps un frein pour la massification du marché.

Chez BLRO, la bière est fabriquée grâce à une levure particulière, qui permet d’éviter la formation de l’alcool durant la fermentation, tout en gardant la saveur. L’attrait des bières sans alcool s’explique également par la conscience toujours plus grande des effets néfastes de l’alcool. «C’est une tendance évidente que nous remarquons. Il y a une conscience croissante des impératifs de santé dans la population», explique Holger Eichele, de la fédération des brasseurs.

«Un énorme potentiel»

«Parfois, vous voulez prendre un verre, mais vous ne voulez pas sentir les effets de l’alcool», estime Max Thomas, un Britannique de 44 ans habitant à Berlin, attablé avec un ami devant une chope. Même si le pays est l’un des plus gros consommateurs au monde (avec 10 litres d’alcool pur par habitant chaque année), la consommation chute inexorablement, particulièrement chez les jeunes générations.

Ainsi, selon une toute récente étude du Centre fédéral pour l’information sur la santé, 8,7 % des 12-17 ans boivent de l’alcool au moins une fois par semaine. En 2011, ce chiffre était d’environ 14 % et en 1979 de 25 %. Pour la bière, la consommation par tête atteignait 87,2 litres par an en moyenne en 2022, contre près de 100 litres dix ans auparavant, en 2013, selon l’institut de statistique.

Le secteur parie sur la poursuite de la croissance du sans alcool, qui pourrait atteindre à terme pas moins de «20 % du marché», selon la fédération des brasseurs. «Cela ne remplacera pas totalement la bière classique, certes, mais cela a un énorme potentiel», résume Holger Eichele.