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Alexeï Navalny aussitôt arrêté à son retour à Moscou


Alexeï Navalny à son départ de Berlin (Photo : AFP)

Le principal opposant au Kremlin, Alexeï Navalny, après avoir quitté Berlin, a atterri dimanche à l’aéroport Cheremetievo à Moscou, où son vol avait été dérouté. Il a été aussitôt appréhendé par la police.

Le principal opposant russe, Alexeï Navalny, a été arrêté par les services pénitentiaires dimanche dès son arrivée à Moscou depuis l’Allemagne, où il se trouvait en convalescence ces derniers mois après avoir survécu à un empoisonnement présumé. Alors qu’il s’apprêtait à donner son passeport pour le contrôle à la frontière, aux côtés de sa femme Ioulia, l’opposant a été approché par plusieurs policiers en uniforme qui l’ont emmené. « Il restera en détention jusqu’à la décision du tribunal » sur son cas, a indiqué le FSIN, sans préciser à quelle date elle pourrait avoir lieu.

L’avion embarquant M. Navalny et sa femme Ioulia avait décollé peu après 15 h de la capitale allemande et avait atterri peu après 18 h à Moscou alors qu’il y était attendu à 17h20. Ce retard s’explique par la déviation imposée par les autorités russes à son vol, qui a rejoint l’aéroport Cheremetievo, et non l’aéroport Vnoukovo, comme initialement prévu.

  « Je suis certain que tout va bien se passer. On va m’arrêter? Ce n’est pas possible, je suis innocent », avait lancé M. Navalny en montant à bord, avant d’ajouter: « En Allemagne, c’était bien, mais rentrer à la maison c’est toujours mieux ». La police a pourtant déjà interpellé la plupart de ses alliés venus l’accueillir, dont Lioubov Sobol, figure montante de l’opposition russe déjà arrêtée il y a quelques semaines.

La police antiémeute y était présente en force et s’occupait à déloger progressivement de l’aéroport la plupart des quelques 200 partisans de M. Navalny qui s’y trouvent. « Comme d’habitude, les autorités russes sont caractérisées par leur peur », avait encore dit M. Navalny, 44 ans, en montant dans l’appareil, tout en se disant « très heureux » de revenir et assurant « n’avoir rien à craindre en Russie ».

Menacé de la révocation d’un sursis

Depuis que le pire ennemi du président Vladimir Poutine a annoncé mercredi son intention de rentrer, les services pénitentiaires russes (FSIN) l’ont mis en garde et assuré qu’ils seraient « obligés » de l’arrêter pour avoir violé les conditions d’une peine de prison avec sursis à laquelle il a été condamné en 2014.

Le chef de file de l’opposition russe était subitement tombé dans le coma en août, alors qu’il revenait d’une tournée électorale en Sibérie. D’abord hospitalisé à Omsk, il avait finalement été évacué vers un hôpital berlinois sous la pression de ses proches. Trois laboratoires européens ont depuis conclu que l’opposant avait été empoisonné par un agent innervant de type Novitchok, développé à l’époque soviétique à des fins militaires, conclusion confirmée par l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) malgré les dénégations de Moscou.

L’opposant accuse les services spéciaux russes (FSB) d’avoir tenté de l’assassiner sur l’ordre direct de Vladimir Poutine. Au gré des versions, les autorités russes ont elles mis en cause les services secrets occidentaux, ou l’hygiène de vie d’Alexeï Navalny. Jusqu’à présent, Moscou a refusé d’ouvrir une enquête pour découvrir ce qui est arrivé à Alexeï Navalny, arguant notamment du refus de l’Allemagne de transmettre ses données à la Russie.

Berlin a envoyé des éléments de preuve

Samedi, Berlin a toutefois annoncé avoir transmis à Moscou des éléments de son enquête judiciaire, notamment « des procès-verbaux » d’interrogatoires d’Alexeï Navalny et « des échantillons de sang et de tissus, ainsi que des morceaux de vêtements », disant s’attendre à ce que Moscou commence désormais à « faire la lumière sur ce crime ».

La porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, a confirmé dimanche que Moscou avait reçu les documents envoyés par l’Allemagne, mais assuré qu’ils « ne comportaient essentiellement rien » de ce que la Russie voulait.

Selon le FSIN, Alexeï Navalny n’a pas respecté quand il était en Allemagne les conditions d’une peine de prison avec sursis reçue en 2014, qui l’obligeait à pointer au moins deux fois par mois à l’administration pénitentiaire. L’opposant est aussi visé depuis fin décembre par une nouvelle enquête pour fraude, soupçonné d’avoir dépensé pour son usage personnel 356 millions de roubles (3,9 millions d’euros) de dons.

Navalny, peu connu hors des grandes agglomérations

S’il est largement ignoré des médias nationaux, non représenté au Parlement et inéligible, Alexeï Navalny reste la principale voix de l’opposition en partie grâce à sa chaîne YouTube aux 4,8 millions d’abonnés et son organisation, le Fonds de lutte contre la corruption (FBK), dénonçant la corruption des élites.

Malgré les perquisitions, les pressions et les condamnations à de courtes détentions visant régulièrement M. Navalny ou ses alliés, il a réussi à organiser plusieurs manifestations très suivies ces dernières années, et des revers embarrassants pour le pouvoir lors de scrutins locaux. Sa notoriété reste toutefois limitée en dehors des grandes agglomérations, un sondage du centre indépendant Levada en septembre révélant ainsi que seulement 20% des Russes approuvaient ses actions.

Pour les experts, le retour d’Alexeï Navalny avant les législatives de 2021 est une épine dans le pied du Kremlin: le laisser libre serait une démonstration de faiblesse, l’emprisonner risquerait de provoquer un nouveau scandale.

LQ/AFP

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