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Un crapaud rare réintroduit au Luxembourg


Les têtards libérés au nord du Grand-Duché ont été prélevés à Liège et Trèves. (Photo Hervé Montaigu)

Le crapaud sonneur à ventre jaune a été réintroduit mercredi au Grand-Duché. L’opération, loin d’être anodine, en dit long sur la pression foncière dans le pays.

Honnêtement, ce n’est pas l’animal le plus spectaculaire du monde. D’ailleurs, de loin, on ne le voit pas… À l’âge adulte, le crapaud sonneur à ventre jaune mesure cinq centimètres maximum. Pourtant, la petite bête s’est retrouvée star d’un jour mercredi, sur une terre tenue secrète dans les environs de Feulen. «Lorsque l’on réintroduit une espèce, il faut prendre toutes les précautions», explique Yves Schaack, responsable du Syndicat intercommunal de l’Ouest pour la conservation de la nature (Sicona).

Le sonneur à ventre jaune a quasiment disparu du Luxembourg. Une donnée qui pourrait paraître anodine, si elle ne renvoyait pas à une réalité terrible : depuis les années 70, le béton dévore tellement le Luxembourg que le crapaud en question n’a plus d’habitat pour y vivre. «Il reste une cinquantaine de spécimens sur tout le pays, dont 30 dans la réserve Natura 2000 de Dudelange», confirme Yves.

Le sonneur à ventre jaune est l’équivalent de l’oursin en Méditerranée : sa présence dans nos forêts et zones humides est synonyme de bonne santé des écosystèmes. «Mais les chiffres sont là, poursuit le responsable de l’opération. Depuis la fin des années 70, 80% des zones humides ont disparu au Luxembourg. C’est colossal!» Pour survivre et se reproduire, le sonneur à ventre jaune a besoin de marres d’eau naturelle, de faible profondeur, que l’on retrouve dans les zones argileuses en bordure de forêt. L’ombre et les qualités argileuses («compactes» si vous préférez, à la différence des terres sablonneuses) de la terre permettent la rétention d’eau.

«Le soleil provoque une évaporation de ces mares qui se remplissent à nouveau lorsque la pluie revient et ainsi de suite», détaille le professionnel. Ce mécanisme, résultat d’un équilibre écologique fin, permet au sonneur à ventre jaune de survivre. «Lorsque la mare se vide, les larves des libellules et autres prédateurs meurent. Lorsque la mare se remplit, les moustiques sont un mets de premier choix pour notre crapaud», sourit Yves.

Le Sicona, en partenariat avec les élus de Feulen, ont donc recherché l’endroit idéal pour réintroduire l’animal.

Plusieurs centaines de têtards lâchés

Une centaine de têtards ont été lâchés dans la zone en question, parsemée de mares artificielles creusées à la pelleteuse. «Trois cents nouveaux têtards seront lâchés ces prochaines semaines, glissent les responsables de la réintroduction. Logiquement, ça devrait prendre. Le fait d’introduire des têtards, donc pas des adultes, va entraîner un effet d’identification de l’animal à son nouvel habitat.» En clair, il aurait été impossible d’introduire des spécimens adultes, qui auraient cherché à retourner à la maison. Un brin casanier, le sonneur à ventre jaune… «Les têtards que nous réintroduisons viennent de Trèves et Liège», nous apprend-on. Pas de risque de tourner les talons!

Dans un an, les spécimens introduits auront atteint l’âge adulte. Un sonneur à ventre jaune peut vivre jusqu’à huit ans. Toutefois, rien n’est gagné : il s’agit de l’une des espèces de crapaud qui se reproduisent le moins. Une cinquantaine de têtards par couple et par an, en comptant que la perte est nombreuse à chaque fois (circulation, prédateurs comme le raton laveur, etc.) «Il y a trois ans, nous avons réussi à réintroduire la grenouille rainette, glisse le président du Sicona. Pourquoi ça ne marcherait pas avec le sonneur à ventre jaune?»

La mission est immense, «fruit d’un travail de longue haleine.» Derrière chaque espèce qui survit, il y a la survie de la nature dans son ensemble. «Quand on parle de sauvegarde de l’environnement, tout est imbriqué», prévient Yves Schaack. Eh oui, il n’y a pas que la conservation de la forêt amazonienne (très en vogue depuis le début des JO…) qui compte pour préserver la planète. Ça se passe aussi chez nous.

Les politiques ont pris le dossier au sérieux. «Cela fait depuis 2009 que nous travaillons sur la protection de la nature et des espèces avec les structures comme le Sicona ou même l’Union européenne», souligne Dan Wilmes, échevin à Feulen. Les 4,5 hectares du projet de réintroduction du crapaud ont d’ailleurs été entièrement achetés par la commune, qui ne les confiera par la suite qu’à un agriculteur ou maraîcher écoresponsable.

Hubert Gamelon

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