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Rue Glesener : une expulsion symptomatique des problèmes de logement


Il est déjà difficile de trouver un logement au Luxembourg quand on gagne bien sa vie, alors quand on n'a pas de contrat de travail et qu'on bénéficie du Revis, c'est mission presque impossible (Photo : Didier Sylvestre)

La situation s’enlise, rue Glesener. Des locataires accusent leur propriétaire d’expulsion. Des acteurs politiques et associatifs s’en mêlent. Récit d’une histoire symptomatique de notre société.

L’histoire est banale : un propriétaire demande à ses locataires de quitter l’immeuble qu’il souhaite rénover. Étant donné les difficultés rencontrées pour se loger au Luxembourg et le statut social des locataires, l’histoire illustre deux thématiques sociales brûlantes : le logement et l’immigration. Assez pour provoquer une levée de boucliers.

L’histoire se passe au numéro 55 de la rue Glesener à Luxembourg. Huit familles qui y habitent encore, seraient sur le point de se faire expulser des logements qu’elles occupent par le propriétaire des lieux, prévenait déi Lénk dans un communiqué de presse invitant à un piquet de protestation devant l’immeuble en question vendredi soir dernier. L’électricité et le chauffage auraient déjà été coupés et les conditions de vie de ces familles seraient déplorables. Le propriétaire tenterait ainsi de mettre la pression sur les locataires pour les faire quitter les lieux plus rapidement, selon l’association de protection des locataires, Mieterschutz.

Déi Lénk, quant à elle, évoque «une violation du droit au logement» et redoute que ces familles avec enfant n’aient d’autres choix que de finir à la rue. 09. La seule échappatoire possible aurait été que ces familles soient relogées par le service logement de la Ville de Luxembourg, chargé de l’assistance lors d’un «déguerpissement», terme barbare pour qualifier une expulsion. Malheureusement, les capacités de ce dernier pour reloger les victimes d’expulsions arriveraient à saturation. De quoi scandaliser encore plus le parti politique qui demande «au gouvernement de réintroduire la suspension des déguerpissements pour toute la durée de la crise économique» et à la Ville de Luxembourg d’«augmenter immédiatement ses capacités d’hébergement d’urgence».

D’autant plus que, selon déi Lénk, les expulsions auraient été nombreuses ces dernières semaines. Il y en aurait eu 18 au mois d’août et sept seraient déjà prévues pour les deux premières semaines de septembre, selon Guy Foetz de déi Lénk Stad. Ce à quoi la Ville a rétorqué mardi que ce nombre ne serait pas plus élevé que celui des années précédentes. Les cas seraient seulement plus rapprochés cette année en raison de la crise du Covid-19. En outre, le collège échevinal serait toujours informé de ces cas et chercherait toujours une solution pour aider les familles.

«Je cherche un logement»

Au milieu de tout cela, il y a un propriétaire qui rappelle qu’il n’a jamais été question d’expulsion forcée. Un «déguerpissement» forcé d’un locataire ne peut avoir lieu que sur base d’une décision de justice. Or dans son immeuble, aucun «déguerpissement» forcé n’a, selon lui, eu lieu puisque aucune action en justice n’a pour le moment été menée.

Un locataire croisé devant l’immeuble mardi confirme : «Le propriétaire nous a prévenus à l’avance que nous devions partir pour septembre. J’ai accepté et signé une convention. Il a fait les choses dans les règles. Nous n’avons pas réussi à retrouver de logement pendant cette période. Il n’y peut rien.» Ce père de famille d’origine africaine continue d’habiter l’immeuble alors qu’il aurait dû l’avoir quitté au 31 août dernier. «Chaque jour, je pars à la recherche d’un nouveau logement. Certaines familles ont déjà trouvé», dit-il en pointant les emplacements des étiquettes de noms des anciens locataires qui ont été enlevées des boîtes aux lettres devant l’entrée.

Le propriétaire se défend

Les locataires du 55 de la rue Glesener avaient trois mois pour trouver un nouveau logement. «Dans le contexte des rénovations, des accords de résiliation ont été signés. Certains locataires ont refusé une résiliation d’un commun accord et ont reçu un courrier de résiliation. Je ne désire ni plus ni moins que me conformer strictement à la loi», précise le propriétaire.
Conscient de la difficulté pour ces personnes de trouver un logement, il a décidé de les aider en créant une cellule spéciale de support au sein même de l’immeuble. Il a notamment pris contact avec l’office social de la Ville pour trouver des solutions de relogement rapides et sociables, ainsi que transmis des listes reprenant des possibilités de location de chambres meublées à ses locataires.

Le bâtiment serait, selon ses habitants, en très mauvais état. Ce qui expliquerait la décision du propriétaire de faire des travaux rapidement. Il n’aurait cependant jamais été question d’intimider les locataires en les privant d’électricité et de chauffage. «Les conditions techniques et sanitaires du bâtiment sont telles qu’une rénovation s’impose afin d’assurer une bonne sécurité des locataires. Dans ce contexte, l’électricien est venu le vendredi 4 septembre 2020 afin de faire une analyse complète du système électrique et a coupé à cette occasion l’électricité de façon ponctuelle. Cette coupure avait été annoncée au préalable aux occupants par affichage», tient à préciser le propriétaire. Ladite note est toujours affichée sur la porte d’entrée de l’immeuble.
Tempête dans un verre d’eau, symptôme d’une époque, signe qu’il est grand temps d’agir sur les questions du logement et de la précarité au Luxembourg ? Cette histoire interpelle, interroge et dérange au point d’être utilisée pour pointer de plein de différents doigts certaines dérives de notre société.

Sophie Kieffer

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