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Monorail : pourquoi pas au Luxembourg?


Survoler les autoroutes avec un monorail, pour relier par exemple Esch à Luxembourg en moins de vingt minutes : le monorail existe à l'étranger, alors pourquoi pas au Luxembourg? (Photo : Julien Garroy)

Voilà près de 10 ans que le groupe Guy Rollinger milite pour un monorail au Luxembourg. Projet visionnaire ou farfelu? Ses responsables, en tout cas, y croient dur comme fer.

Relier Belval à Luxembourg en survolant les bouchons quotidiens? On en a tous rêvé. C’est ce que promet le projet de monorail, que le groupe Guy Rollinger aimerait étendre aux quatre coins du pays… voire au-delà de nos frontières. Mais la pétition pour le monorail ne passionne pas les foules. Ni les politiques, visiblement!

«C’est un projet que l’on porte depuis dix ans», rappelle Rosario Cavallaro. «C’est en 2008 que Guy Rollinger présente cette idée de monorail. Elle est née de voyages à l’étranger, notamment à Dubai, où il a vu pour la première fois un monorail. Il s’est dit que ça pourrait être une bonne idée pour combattre les problèmes de circulation. On croise des monorails partout : à Las Vegas, Osaka, Sydney, Singapour… alors pourquoi pas au Luxembourg?»

Rosario Cavallaro nous accueille au siège du groupe luxembourgeois Guy Rollinger, du nom de celui qui se présente comme un «citoyen, entrepreneur et employeur».

Dans la pièce, trônent diverses maquettes et posters de projets portés par l’homme d’affaires : propriétés immobilières, véhicule carburant à l’hydrogène issu de déchets valorisés… et une grosse maquette de monorail. Plus précisément, d’Écorail, comme le précise Rosario Cavallaro, l’un des porteurs du projet au sein du groupe : «Monorail, c’est le nom de la technologie. Nous on l’a baptisé Écorail, car il est écologique.» Et pour une multitude de raisons : «Il fonctionne à l’électricité, donc il n’émet pas de CO2. Il est même possible de le faire fonctionner avec de l’énergie solaire. Il roule avec des pneus, donc faible émission sonore. Il est construit sur le terre-plein central des autoroutes, donc il ne nécessite pas ou peu de défrichage…»

 

Une vue en coupe d'un monorail. Le groupe Rollinger préconise le modèle sur roues, pour sa sécurité et ses performances. (Illustrations : groupe Guy Rollinger)

Une vue en coupe d’un monorail. Le groupe Rollinger préconise le modèle sur roues, pour sa sécurité et ses performances. (Illustrations : groupe Guy Rollinger)

17 minutes pour faire Esch-Luxembourg!

Revenons à la technologie : un monorail est un transport en commun se déplaçant sur une voie unique, de type rail ou poutre. Il peut le faire à cheval sur le rail, ou en étant suspendu sous-celui-ci, et en utilisant roues, sustentation magnétique ou encore coussin d’air.

Pour le Luxembourg, le monorail roulant sur des rails s’impose, selon Rosario Cavallaro : «C’est le système le plus fiable et écologique. Le monorail a quatre points d’ancrage avec le rail, il ne peut tout simplement pas dérailler.» Quant à certains monorails à bandes magnétiques, «ils peuvent aller à 300 km/h, ils ne sont pas intéressants pour des courtes distances comme au Luxembourg. Ici, le monorail roulera à 90 km/h maximum.»

Le monorail a un avantage sur d’autres transports en commun : «Le but est d’installer le monorail au centre de l’autoroute, puisqu’il repose sur de simples poteaux. On estime que le coût de construction d’un monorail représente 60 % de celui d’un chemin de fer, puisque la technologie est relativement simple, qu’il n’y a pas de problèmes d’expropriation car il s’agit de terrains étatiques…»

Quand on connaît le prix des terrains au Luxembourg, cela fait en effet réfléchir… «On sait même installer le monorail sans fermer l’autoroute. C’est un chantier mobile : la circulation est déviée sur 500 ou 600 m sur les voies extérieures pendant que les piliers sont installés.»

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À la différence d’autres projets comme le train ou le tram, le monorail dérange très peu les infrastructures existantes, puisqu’il s’installe sur le réseau autoroutier, sans le bloquer grâce à un système de chantier mobile. Mais dire que cela ne provoquera pas de bouchon est plus hasardeux…

Dans la pétition déposée à la Chambre des députés, le groupe propose plusieurs scénarios de trajets, partant d’Esch (autoroute A4), Arlon (A6), Trèves (A1) ou encore Thionville (A1), et en rejoignant systématiquement l’une des gares du tram à Luxembourg. «Mais ce n’est qu’un début. Il est tout aussi envisageable de prolonger le monorail au-delà.» Par exemple, pour l’A4, «de pousser jusqu’à Audun-le-Tiche, voire Thionville».

Pour rester sur l’A4, ils envisagent ainsi six arrêts entre Esch et Luxembourg. «Un monorail prendra 17 minutes pour relier les deux destinations, pendant qu’un autre fera le chemin inverse. Un peu comme pour les métros, il y aurait un temps d’arrêt entre 20 et 30 secondes. Vu que tout est automatisé, il n’y a pas besoin de chauffeurs…»

Des chiffres qui ont en effet de quoi séduire les habitués des bouchons… ou du train! Patrick Martins, un autre membre du projet, ajoute : «Le monorail pourra compenser les arrêts que le train ne dessert pas, par exemple à Foetz.»

Et la fréquentation? «Cela dépendra évidemment des wagons, là on estime sa capacité à 750 personnes par monorail. Cela représente près de 2 500 personnes par heure et par monorail, soit 5 000 si on en met deux comme on le préconise.» Sur une journée et plusieurs autoroutes, cela pourrait avoir un impact non négligeable.

Le but du monorail ne serait pas seulement d'offrir une nouvelle forme de mobilité au Luxembourg, mais aussi au delà de ses frontières. Beau sur le papier, le projet risque néanmoins de connaitre les mêmes difficultés que tous les autres projets transfrontaliers!

Le but du monorail ne serait pas seulement d’offrir une nouvelle forme de mobilité au Luxembourg, mais aussi au delà de ses frontières. Beau sur le papier, le projet risque néanmoins de connaitre les mêmes difficultés que tous les autres projets transfrontaliers!

Un projet mort-né?

Voilà pour le gros du projet «monorail»… qui reste pour l’instant lettre morte. Pourquoi? C’est la question que se posent ses promoteurs, qui se défendent aussi de tout conflit d’intérêts dans cette affaire (lire par ailleurs).

La pétition pour le monorail est mal partie pour atteindre les 4 500 signatures requises avant le 1er mars. Quant aux personnalités politiques, elles ne se pressent pas pour soutenir le projet. Dans une interview, le patron du CSV, Claude Wiseler, a dit ne pas trouver l’idée antipathique, mais vouloir déjà renforcer les moyens de transport existants. Rosario Cavallaro n’a pas senti davantage d’enthousiasme chez le ministre des Infrastructures, François Bausch, qui tout au plus aurait dit «pourquoi pas» au monorail…

Et pas davantage de buzz chez nos voisins. Il y a trois ans, la députée-maire de Thionville suggérait, elle aussi, la création d’un monorail reliant sa municipalité à la capitale luxembourgeoise. Mais l’idée suscite surtout des critiques sur le caractère «utopique» du projet. «C’est vrai, on n’a pas eu beaucoup de contacts avec des responsables étrangers, déplore Rosario Cavallaro, même si certains citoyens soutiennent l’idée.»

Alors, une idée mort-née? Connaissant la rapidité avec laquelle se concrétisent les projets nationaux et transfrontaliers, il est à craindre en tout cas que le monorail reste encore longtemps au stade de maquette en carton.

Pourtant, chaque année, les bouchons obstruent un peu plus les artères grand-ducales. Si d’autres pays ont amélioré leur circulation avec des monorails, pourquoi pas le Luxembourg? C’est la question qui mériterait, au moins, d’être débattue par nos politiques.

Romain Van Dyck

Une belle idée, mais…

Le projet de monorail est sympathique sur le papier. Mais dans les faits, il devra surmonter de nombreux obstacles.

Politique : c’est le premier obstacle au Luxembourg. Pourquoi ce manque d’enthousiasme chez nos politiques? «Difficile à dire. C’est vrai qu’ils ont déjà d’autres priorités, comme le tram», suppose Rosario Cavallaro. Et peut-être aussi parce que l’idée ne vient pas d’eux? «Possible», sourit-il.

Techniques et pratiques : au niveau de la sécurité, le caractère surélevé du monorail le préserve en effet de beaucoup de problèmes, comme les bouchons et accidents, les intempéries (neige, verglas…). Vu qu’il n’y a qu’un monorail par rail, pas de risques non plus de collision frontale… Mais en cas de panne, les usagers se retrouvent perchés au-dessus de l’autoroute! «On a prévu un système de trappe au centre du wagon pour permettre aux gens de quitter le monorail et de descendre sur la terre ferme.» Reste que 70 personnes qui «tombent du ciel» au milieu d’une autoroute, c’est un scénario qui peut donner des sueurs froides…

Les gares : si le monorail est construit sur des terrains étatiques, les gares, elles, risquent parfois de déborder sur des terrains privés, car qui dit gare dit routes, parkings, etc. Autre problème lié aux gares : vu qu’elles sont situées sur les autoroutes, comment les usagers rejoindront-ils les centres-villes, qui ne sont pas toujours à côté? Quant à ceux qui ont le vertige… ils risquent de ne pas apprécier le voyage!

 

Un conflit d’intérêt?

Question qu’on peut légitimement se poser : quel est l’intérêt du groupe Guy Rollinger dans cette histoire? Rosario Cavallaro, qui est par ailleurs directeur financier et administratif d’Immoglobal, une branche immobilière du groupe, rappelle justement que porter un tel projet coûte de l’argent : «On a fait des études approfondies avec une société allemande, cela nous a coûté pas mal d’argent, et ils nous ont dit que le monorail était la solution idéale pour le Luxembourg.»

Alors, pourquoi dépenser autant d’argent? Mais il l’assure : «Nous n’avons aucun intérêt, ni financier, ni immobilier, ni de quoi que ce soit. Car de toute façon cela se fera au milieu de l’autoroute, qui est propriété de l’État. M. Rollinger veut simplement faire passer cette idée qu’il existe un moyen pour réduire les problèmes de circulation, et qui serait profitable à tous.»

Patrick Martins : «Le jour où l’idée passe, où l’État lance un monorail, nous, on arrêtera tout! C’est pour cela qu’on n’a pas de budget prévisionnel vu qu’on ne réalisera pas le projet. On transmet nos recherches et nos études, mais après, ce sera à l’État de chercher les entreprises, de faire la mise en œuvre.»

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