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Lëtz Rise Up vient en aide aux femmes victimes de discriminations


Sandrine Gashonga est la fondatrice de Lëtz Rise Up. (Photo : Tatiana Salvan)

Une nouvelle association féministe et antiraciste, Lëtz Rise Up, compte bien lutter contre le racisme structurel et faire bouger les lignes au Luxembourg.

C’est la petite dernière des associations féministes, mais elle compte bien faire entendre sa voix et changer les choses au Grand-Duché. Lëtz Rise Up a été créée en septembre dernier par la militante luxembourgeoise d’origine rwandaise et ancienne réfugiée Sandrine Gashonga.

Son objectif ? «Faire de l’empowerment auprès des femmes qui subissent les discriminations croisées.» En gros, donner les clés à des femmes, tout particulièrement non blanches, pour pouvoir se défendre contre les discriminations de genre et contre un racisme structurel.

Car c’est là le principal cheval de bataille de Lëtz Rise Up : mettre fin à un racisme qui infuse plus ou moins consciemment toutes les strates de la société, y compris le milieu associatif.
«Il y a des procédures qui involontairement lèsent certaines personnes en raison de leur origine. Elles auront plus de difficultés à trouver un logement ou un travail par exemple.» Un racisme qui se cumule avec la discrimination de genre quand on est femme : «les discriminations croisées», explique Sandrine Gashonga.

«Il va falloir beaucoup de fond de teint»

«Quand on nous insulte dans la rue ou qu’on nous dit « retourne dans ton pays », on peut se défendre et cela n’arrive pas si souvent, mais ça arrive! Mais se voir refuser un logement ou une aide quand on s’adresse à un service social, c’est une autre histoire», résume Sandrine Gashonga, qui a elle-même subi ce racisme structurel, à l’ADEM. «Il y a quelques années, j’étais suivie par le même agent qu’une de mes connaissances, une personne blanche. Nous travaillions dans le même secteur. Elle recevait des convocations et des offres, et moi pas», raconte la présidente de Lëtz Rise Up.

«C’est difficile à accepter, mais on relativise, on y est habituée en fait», admet Sandrine Gashonga, qui déplore : «J’ai des amies qui sont afro-descendantes et qui assurent n’avoir jamais subi le racisme. Je pense que c’est parce qu’il n’y a jamais eu un événement pour leur faire prendre conscience de tout ça. Elles ont parfaitement intégré les codes.»

Le déclic, Sandrine Gashonga l’a eu après ses études de philosophie, lorsqu’elle a commencé à travailler au Luxembourg. «Je suivais des cours de langue. Lorsque la professeure nous a demandé ce qu’on souhaitait faire, j’ai répondu que j’aimerais présenter des émissions à la télévision. Ce à quoi elle a rétorqué : « Il va falloir beaucoup de fond de teint! » Là j’ai compris qu’il y avait un vrai problème.»

Une étude menée par l’Agence des droits fondamentaux en Europe et publiée en 2018, «Être noir en Europe», a d’ailleurs montré que le Luxembourg faisait partie des quatre pays où les discriminations racistes étaient les plus fréquentes. «Contrairement aux autres pays, la notion de racisme structurel n’a pas été prise en compte au Luxembourg. Ailleurs, le personnel de l’État a été formé pour ne pas avoir de pratiques discriminantes par exemple.»

«Seul le rapport de force fonctionne»

Lëtz Rise Up compte donc organiser des ateliers d’empowerment à destination des femmes mais aussi de sensibilisation auprès du personnel associatif notamment, et proposer des projections-débats. «Il n’y a que le rapport de force qui peut fonctionner. On doit s’organiser nous-mêmes et mettre en place nos propres événements, faire nos propres plaidoyers», déclare Sandrine Gashonga.

Un radicalisme qui n’est clairement pas du goût de tout le monde. «On se fait attaquer sur les réseaux sociaux, où on nous accuse de nous victimiser, et on nous menace de nous déprogrammer de certains événements. Ce qui a d’ailleurs déjà été fait, via une excuse bidon. Le racisme structurel ne s’arrête pas aux portes des associations», signale Sandrine Gashonga.

L’association est radicale dans ses combats, mais dans sa structure également : elle est exclusivement réservée aux femmes. Un entre-soi parfaitement assumé. «Nous sommes héritières d’une tradition de non-mixité, qu’on peut retrouver dans certains milieux antiracistes qui refusent d’ouvrir leurs portes aux personnes blanches. Il s’agit de pouvoir s’exprimer librement sur des problèmes rencontrés, sans peur et sans risquer de heurter la sensibilité des autres personnes», explique Sandrine Gashonga.

Pour adhérer à Lëtz Rise Up, dont le nom a peut-être inconsciemment été inspiré du forum lancé l’an passé par la Grande-Duchesse, «Stand, Speak, Rise Up» – Pour mettre fin aux violences sexuelles dans les zones sensibles», il faut donc être femme (pas forcément non blanche toutefois) et partager les valeurs explicitées dans la charte de l’association.

«Cette association a été créée pour défendre deux causes : le féminisme et l’antiracisme parce que dans les mouvements antiracistes que je fréquentais, les femmes étaient mises de côté, et dans les mouvements féministes, les besoins particuliers des femmes non blanches n’étaient pas pris en compte», notamment la question du port du voile, qui provoque de vifs débats au sein des féministes.

La position de Lëtz Rise Up à ce sujet est claire : «On milite pour que les femmes puissent s’habiller comme elles le veulent. Bien sûr, il y a des femmes qui sont obligées de le porter, mais il y en a beaucoup d’autres qui le font en toute conscience, complètement librement.» La première projection de l’ASBL a d’ailleurs eu pour thème l’engagement féministe des femmes musulmanes (voir ci-dessous) lors du festival des Migrations. Tout un symbole.

Tatiana Salvan

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