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Le tram luxembourgeois roulera sur des rails lorrains


Visuellement, la fin du circuit est impressionnante : à force d'aller-retour, la pièce ressort longue d'une centaine de mètres ! Un spaghetti fluo qui n'en finit plus de défiler sous les yeux... (Photos Julien Garroy)

Le tram de la Ville, qui sera mis en circulation dimanche, roulera sur des rails « made in Lorraine ». Côté français, on ne cache pas sa fierté d’avoir travaillé pour le voisin luxembourgeois.

Le coup d’œil au carnet de commandes fait sourire. Singapour, Suisse, Inde, Milan… Luxembourg ! C’est depuis Hayange, chez British Steel France Rail, qu’ont été expédiées «les 2 000 tonnes d’acier» nécessaires au premier tronçon du tram, de Luxexpo jusqu’au pont rouge. «On ne parle pas en mètre, mais de poids, explique le directeur du site, Tony Greco. Des rails de même longueur peuvent avoir un poids différent, en fonction du profil et de la qualité d’acier exigés par le client.» Alors, ceux de Luxembourg sont-ils de top qualité ? «Évidemment !, sourit notre interlocuteur. Particulièrement dans les zones à virages, qui subissent le plus d’usure.»

Visite de l'usine British Steel

Le directeur serait bien ennuyé de livrer des rails en toc, alors que son usine est à 35 kilomètres de la frontière ! «Nous conservons les données de constructions pendant 15 ans, nous assurons la maintenance sur place», débite le directeur comme un bon commercial. Notamment en retravaillant la matière à même le rail, sans le sortir de son axe, pour lui redonner des aptitudes plus neuves. Les rails de Luxembourg devraient tenir «entre 20 et 30 ans, selon les augmentations de flux dans l’avenir».

Une institution du berceau du fer

En arrivant dans Hayange, autoproclamé le «Berceau du fer», British Steel est immanquable. Les habitants l’appellent l’usine Saint-Jacques, telle une cathédrale qui a toujours existé. Fondée par les puissants maitres de forges De Wendel (qui ont un vitrail à leur effigie dans l’église de Hayange, la vraie!), l’usine fabrique des rails depuis sa création, en 1894. «Nous avons aussi fait d’autres produits longs durant notre histoire, confie Jean Martinelle, le manager qui fait la visite. Mais depuis 15 ans, nous sommes exclusivement tournés vers les rails : voie normale, train à grande vitesse, tram et métro.» C’est d’ailleurs sur des rails de Hayange qu’a été établi le record de vitesse du TGV français : 574,8 km/h ! Nous voilà rassuré pour le tram de la Ville.

L’usine Saint-Jacques tourne en permanence, sauf le dimanche pour la maintenance. Tout le jeu consiste à étirer un bout d’acier (le «bloom») de six mètres au départ à 108 mètres à l’arrivée. «On sert le client à la découpe après», note Jean Martinelle. Pour le tram de la Ville, les camions avaient chargé des rails de 18 mètres de long. British Steel propose un catalogue étoffé : cent
profils (formes) de rails différents en 25 nuances d’acier !

Visite de l'usine British Steel

À l’origine du rail…

Nous avons pu assister à la construction de rails. Les blooms, fabriqués dans la ville de Scunthorpe en Angleterre, sont enfournés pendant quatre heures. La puissance dégagée par les fours à gaz est phénoménale : «Une heure de four équivaut à la consommation de gaz de la ville de Hayange pendant un an» ! Ramollis à 1 300 degrés, dépoussiérés de la calamine (croûte d’acier) les blooms sont envoyés dans un circuit de cylindres («cages») qui étirent et impriment une forme la pièce : c’est le laminage. Les deux premières cages sont dites de «dégrossissement» : c’est là que le rail à gorge (encoche) typique du tram prend forme. Les cages suivantes consistent à étirer la pièce. Visuellement, la fin du circuit est impressionnante : à force d’aller-retour, la pièce ressort longue d’une centaine de mètres ! Un spaghetti fluo qui n’en finit plus de défiler sous les yeux…

Visite de l'usine British Steel

Les rails sont ensuite disposés sur une longue piste de refroidissement. La dresseuse permet de finir le produit, avant l’étape du contrôle de qualité, notamment de l’acier interne par ultrason. Le rail est gravé des lettres «BS HY» comme British Steel Hayange, la grande fierté des 480 employés du site. «En vacances, on cherche souvent les initiales de l’usine sur les rails de nos destinations d’été. Certains font même des détours et nous envoient les photos.» Chers Hayangeois, rendez-vous à partir du 10 décembre au Kirchberg avec vos objectifs !

Hubert Gamelon

Ils en reprendraient bien une deuxième tranche

Le site ArcelorMittal de Rodange construit aussi des rails pour tram. C’est peu dire que ça a fait jaser de voir une entreprise implantée en France décrocher le marché ! Tony Greco, le directeur de British Steel Hayange, répond qu’il «comprend le débat. Mais au contraire, ça prouve que le Luxembourg est loyal sur les appels d’offres, ce qui est loin d’être le cas partout.» Tony Greco laisse entendre que de beaux efforts financiers ont été consentis.

Par ailleurs, d’un point de vue qualité, British Steel Hayange est connu pour livrer des rails qui facilitent les jonctions sur le chantier. «Il n’y a pas de perte de temps sur place pour la soudure avec nos finitions.» Vu la cadence de montage en Ville (même les congés d’été y sont passés), le paramètre a dû jouer. Tony Greco estime enfin que l’origine de l’entreprise est un faux débat à la frontière : «Le président de British Steel est luxembourgeois! Et à l’usine de Rodange, il doit y avoir quelques ouvriers français…»

Tony Greco conclut : «Nous sommes très fiers de livrer au Luxembourg. C’est une grande ville, une capitale européenne connue pour son exigence et ses savoir-faire.» Et vous savez quoi ? Sur sa lancée, British Steel Hayange entend bien postuler pour la deuxième tranche du chantier.

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