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Le cuivré papillonne à nouveau à Bigonville


Le cuivré de la bistorte est de retour près du moulin de Bigonville.

Dans le cadre magnifique des alentours du moulin de Bigonville, natur&ëmwelt travaille au retour d’un papillon que l’on n’avait pas vu là depuis bien longtemps. Le cuivré de la bistorte est un papillon pas bien grand, assez fragile, et même, soyons honnête, plutôt compliqué ! Mais si son retour a été, très récemment, repéré près du moulin de Bigonville, c’est tout sauf le fruit du hasard.

Le cadre du rendez-vous n’est pas commun. Ici, quelques hectares de terrain plat détonnent dans un paysage très vallonné où d’énormes rochers forment des reliefs déchiquetés aux pentes brèves, mais abruptes. Quelques prés tout juste fauchés, plusieurs massifs de jeunes saules et, au fond, un espace où règnent des carex, plantes qui croissent sur des sols très humides. « C’est une ancienne boucle de la Sûre, mais le rocher autour de laquelle elle tournait ici a été dynamité il y a longtemps pour mieux canaliser la rivière vers le moulin », explique Claude Schiltz, notre guide ( lire son portrait ci-dessous).

C’est justement l’histoire étonnante de cette zone qui lui offre une biodiversité rare. Ce petit sanctuaire fragile fait d’ailleurs partie intégrante, depuis 2012, du programme européen LIFE, piloté par natur&ëmwelt.

Ce qu’aiment les espèces, ici, c’est justement cet entre-deux : les parcelles, pas exploitées intensivement voire abandonnées, n’ont pas été colonisées par la forêt avoisinante qui, si rien n’est fait, reprendra tôt ou tard ses droits. Ces situations hétérogènes sont une source de richesses incomparables pour le monde vivant, mais l’équilibre en est très fragile…

Ici, autrefois, coulait la Sûre. C'est dans l'ancien lit de la rivière détournée que l'on a retrouvé récemment le cuivré de la bistorte. (photo Tania Feller)

Ici, autrefois, coulait la Sûre. C’est dans l’ancien lit de la rivière détournée que l’on a retrouvé récemment le cuivré de la bistorte. (photo Tania Feller)

Le premier symbole de la réussite de la gestion du site par natur&ëmwelt est un papillon au drôle de nom : le cuivré de la bistorte. Son patronyme mérite quelques explication : cuivré parce qu’il est orange, la bistorte étant « une plante aux petites fleurs roses/mauves qui poussent sur des terrains humides, mais pas trop », précise Claude Schiltz. C’est au revers de feuilles de ces petites fleurs que le papillon dépose ses œufs. Et c’est donc la bistorte qui composera le menu exclusif de la larve.

Jusque-là, ici, on avait beau avoir de lointaines sources évoquant la présence du papillon, plus aucune observation n’avait été faite de cette espèce depuis longtemps. Quand, en 2013, une étudiante qui effectuait son mémoire sur une surveillance du secteur l’aperçoit, c’est une grande nouvelle. « L’année suivante, nous avons lancé une nouvelle campagne de recherche et nous avons retrouvé six sites qui semblent interconnectés », se félicite le géographe.

Il faut dire que l’endroit est parfait pour le cuivré. Au moulin de Bigonville, il trouve tout ce dont il a besoin : un terrain dans un état proche de la friche, des boules de saules où il peut se poser pour dormir la nuit à l’abri du vent et une zone ouverte où les bistortes abondent. Pour lui, c’est une résidence cinq étoiles!

Moulin de Bigonville

Le problème, c’est que l’état actuel ne serait que transitoire si l’on ne contraignait pas un peu la nature. Du coup, et c’est l’un des aspects les plus importants du programme LIFE, il faut entretenir le paysage pour que le papillon continue à y être bien. « L’entretien est réalisé avec l’aide du Comité national de défense sociale, avance Claude Schiltz. Ce sont donc des personnes en réinsertion qui débroussaillent et clôturent. L’aspect social du projet est très important .»

S’occuper d’un espace aussi complexe n’est d’ailleurs pas aussi facile que cela. Armé des meilleurs intentions du monde, il peut arriver que l’on fasse des boulettes. « Dans un autre lieu qui ressemble à celui-ci, on s’était dit que faire pâturer des moutons pour maintenir les friches serait une bonne idée. Mais il s’est avéré qu’ils adorent la bistorte… Ils ont tout mangé! On apprend beaucoup de ses erreurs », soupire Claude Schiltz. La présence remarquée et régulière du cuivré de la bistorte, et même si la météo du printemps – sa période de vol – lui était défavorable cette année, prouve que ces efforts sont couronnés de succès.

Mais il reste encore du chemin à parcourir pour que d’autres espèces lui emboîtent le pas. Claude Schiltz rêve maintenant d’observer un oiseau que l’on ne voit plus au moulin : le terrier des prés. « Pour l’instant, c’est un échec… », reconnaît-il sans pour autant baisser les bras. « Du côté de Troisvierges, dans un contexte similaire, nous avons fait venir une équipe spécialisée dans la fauche de zones humides. Ce sont des machines qui font un travail impressionnant, même un peu inquiétant quand on les observe. Mais dès le printemps suivant, on a vu nicher là un couple de vanneaux huppés. C’était extraordinaire! Nous allons certainement tenter ici cette option osée au cours de l’hiver prochain .»

En croisant les doigts pour que le terrier des prés et le cuivré de la bistorte entament une longue et heureuse cohabitation!

Erwan Nonet

Bigonville, terre d’accueil

La nature, entre Martelange et Boulaide, est splendide. Alors que la Sûre s’apprête à être stoppée par le barrage, le lac est à deux pas. Le moulin de Bigonville trône là depuis des lustres. La trace écrite la plus ancienne date de 1317! Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, ce lieu de labeur se double d’une destination de villégiature lorsqu’une partie du bâtiment se transforme en hôtel. En 1952, le moulin est définitivement abandonné et se transforme en hotel-restaurant. Pendant longtemps, le lieu a la cote… mais il va récemment connaître une autre affectation. Depuis plusieurs années, l’Office luxembourgeois de l’accueil et de l’intégration loue l’hôtel pour y loger des demandeurs d’asile en attente de la réponse de l’État.

 

Portrait express

schiltzClaude Schiltz n’est pas biologiste, pas naturaliste non plus. L’homme de 39 ans (dont dix passés chez natur&ëmwelt) est un géographe. « Je m’occupe des achats de terrains pour la fondation, explique-t-il. Nous acquérons une vingtaine d’hectares par an. En tout, natur&ëmwelt est le propriétaire de 1 150 hectares. Cela impose un gros travail de gestion! » Mais s’il passe beaucoup de temps à son bureau, notamment pour numériser les cartes, il succombe aussi régulièrement à l’appel du terrain. S’il connaît les zones protégées de l’Oesling sur le bout des doigts, c’est également un fin connaisseur des papillons et des oiseaux.

Cette nouvelle série d’été, qui paraîtra chaque mercredi dans votre Quotidien papier, se propose de mettre en avant des programmes de sauvetage d’espèces (animales ou végétales) couronnés de succès. Il ne sera question que de bonnes nouvelles venues du front de la nature, portées par des scientifiques convaincus. Après le cuivré de la bistorte, nous évoquerons dans une semaine l’arnica.

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