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Il y a plus d’un siècle, les Luxembourgeois prenaient déjà le tram


En 1930, dans l'avenue de la Gare, le tramway file sous les yeux des passants. Il vit son apogée au cours de cette décennie. (photo: auteur inconnu/photothèque VDL)

Entre 1875 et 1964, des tramways sillonnaient déjà la capitale. Mais comme un peu partout ailleurs, l’avènement de la voiture particulière lui a asséné un coup fatal… jusqu’à dimanche !

Évoquer l’histoire du tram, c’est prendre à partie l’entrée de Luxembourg dans le monde contemporain. Le Tramsmusée, situé tout près du P&R Bouillon, permet de retracer cette histoire grâce à de nombreux témoignages d’époque, dont quatre rames toujours en état de marche.

Lorsque la première ligne est mise en service en 1875 – il y a près d’un siècle et demi ! – la Ville amorce son décollage. La gare ferroviaire, qui permet de rejoindre Thionville et Arlon (les deux premières lignes), est sortie de terre en 1859. Pour la relier au centre-ville, le viaduc qui enjambe la Pétrusse entre l’actuelle avenue de la Gare et le boulevard Franklin-Roosevelt est inauguré en 1861. Pour voir la grande arche du pont Adolphe, il faut attendre 1903.

Le plateau Bourbon (futur quartier de la Gare) est alors pratiquement vide et les murailles de la forteresse sont encore fièrement dressées (à l’emplacement du parc municipal d’Édouard-André, où se trouvent le bateau pirate et la Kinnekswiss). Elles seront détruites en 1867, à la suite de la signature du traité de Londres et la démilitarisation du pays alors créé sous sa forme actuelle.

Deux chevaux au boulot

«Pour que le quartier de la Gare grandisse, il faut le relier au cœur de la Ville et ce premier tramway circule donc de la gare jusqu’au Glacis, en passant par le viaduc, la rue Notre-Dame, la place Guillaume-II et la Grand-Rue, sur une distance de 2 km», explique Romain Rech, qui fait vivre le Tramsmusée. Sa particularité ? Il n’est pas électrique mais hippomobile : ce sont deux chevaux qui tirent les rames sur les rails ! Au fait de sa gloire, treize rames sont en circulation.

Le dernier tram hippomobile circule en 1908, il est alors remplacé par ces nouveaux trams électriques sortis des usines d’Uerdingen, sur le Rhin. Cette fois, c’est un réseau de quatre lignes qui se met en place. «La Ville a évolué et les villages périphériques sont devenus des quartiers de la capitale», souligne Romain Rech. Les lignes font toutes des boucles à partir de la gare, elles desservent le centre-ville et le Limpertsberg.

(photo: auteur inconnu/photothèque VDL)

(photo: auteur inconnu/photothèque VDL)

Dès 1913, le tram quitte les frontières de la capitale en se rendant à Eich et Dommeldange, qui formaient alors une seule et même commune. Ce n’est qu’en 1920 que Luxembourg fusionne avec le Rollingergrund, Eich, Hollerich et Hamm. Au sortir de la Première Guerre mondiale, l’économie se porte bien et le tram s’adapte à cette croissance rapide. En 1929, douze lignes distribuent les différents secteurs de Luxembourg.

37 km de voies en 1938

Mais 1929, c’est aussi l’année de la grande crise et le pays n’est pas épargné. «La Ville embauche alors 50 chômeurs dans les ateliers du Tramsschapp, au Limpertsberg. Près de 300 personnes y travaillent», avance Romain Rech.

La dépression n’est pas éternelle et le Luxembourg s’en remet vite. Le tram en témoigne puisqu’il vit là son apogée. «En 1938, le réseau compte 37 km de voies réparties en 12 lignes. Le matériel roulant est constitué de 34 motrices et 22 remorques», souligne-t-il. À partir de 1931, le pays est fier de ne plus devoir importer ses trams de Belgique (Nivelles et Godarville) puisqu’il les fabrique désormais lui-même au Tramsschapp.

Toutefois, les racines qui motiveront son abandon sont déjà en terre. Les premiers bus circulent dès 1926 et les deux modes de transport cohabitent mal dans les rues étroites du centre-ville. Les bus sont plus flexibles et demandent moins d’investissements, installer rails et caténaires est toujours fastidieux. Et puis, la voiture individuelle commence à se démocratiser.

Les trams exposés au musée rutilent et sont tous en état de marche. (photo Isabella Finzi)

Les trams exposés au musée rutilent et sont tous en état de marche. (photo Isabella Finzi)

L’après-Seconde Guerre mondiale sera fatal au tramway et Luxembourg ne sera pas la seule ville à subir cet effet. En France, seuls trois réseaux vont survivre : Lille-Roubaix-Tourcoing, Marseille et Saint-Étienne. À titre de comparaison, 28 villes françaises sont équipées aujourd’hui.

Terminus le 5 septembre 1964

«Pour chercher la modernité, à l’époque, on regardait l’Amérique. Et là, les trams ont disparu dès les années 20», précise Romain Rech. Faute d’investissements, le réseau vieillit inexorablement : aucune amélioration ne lui sera accordée après 1934. Le tram est perçu comme une technologie du passé et perd le duel qui l’oppose à la voiture et au bus. Une première ligne est fermée en 1952 et les autres suivent les années suivantes. Le 5 septembre 1964, la ligne 10 (qui dessert Beggen) clôt l’histoire ancienne du tram. «Chaque fermeture de ligne était l’occasion d’une fête de quartier, soutient Romain Rech. Il y avait un orchestre et on se retrouvait dans un café pour dire au revoir et merci au personnel. Cela prouve qu’aux yeux des habitants le tramway voulait vraiment dire quelque chose.»

Intérieur classieux, mais confort sommaire ! (photo Isabella Finzi)

Intérieur classieux, mais confort sommaire ! (photo Isabella Finzi)

Cette émotion populaire, toutefois, ne s’est pas retrouvée au niveau politique. «L’opposition à la fermeture du tram était toute petite et était inéluctable tant on avait négligé le réseau et le matériel», rappelle-t-il.

Il ne faudra attendre que quelques décennies pour se rendre compte que la voiture individuelle et les bus n’étaient pas une solution idéale pour la mobilité en Ville, et quelques autres pour que les décideurs… se décident, enfin, à donner une nouvelle fois sa chance au tramway dans la capitale.

Erwan Nonet

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