Christiane Beyer a permis de redécouvrir un vignoble presque oublié à l’incroyable richesse écologique : le Rosenberg, à Wehr, juste en face du Luxembourg.
Portrait
Retour aux sources
C’est plus fort qu’elle, Christiane Beyer a toujours porté un grand intérêt à ce qui l’entoure. Elle a grandi dans le Palatinat, au milieu des vignes, s’est un peu éloignée pour étudier l’économie et la médiation culturelle, avant de revenir s’installer à Sarrebourg, de nouveau au cœur d’un beau vignoble.
Gestionnaire de projet à l’international dans le digital, Christiane souhaitait dénicher une activité secondaire qui leur permettrait de renouer avec ses premiers centres d’intérêt. «Lorsque j’ai appris l’existence de ces formations pour devenir guide, je me suis dit que c’était pour moi ! C’est un retour aux sources qui tient aujourd’hui une place importance dans ma vie… surtout les week-ends !»
Elle se forme d’abord pour être guide à Sarrebourg, «j’ai beaucoup appris, beaucoup fait de belles rencontres mais il manquait quelque chose : le vin !» Elle y remédie en suivant l’enseignement proposé par la Chambre de commerce de Trèves pour gagner le statut d’ambassadeur du Vin et de la Culture où elle se spécialise en géologie, viticulture, vinification, cycle de la vigne, écologie…
Sarrebourg célébrant alors son 1 050e anniversaire (2014), Christiane surfe sur la vague et fonde avec son mari (également guide) sa propre entreprise (www.weinkultour.land). Elle propose plusieurs visites, dont une qui sort du lot. «J’ai créé le personnage de Lady Katie, la femme d’un marchand de vin vivant en 1910. Elle voyage dans le temps et fait découvrir les grands rieslings de la Sarre aux visiteurs qui veulent bien l’accompagner.» Les vins de la Sarre et de la Moselle allemande sont réputés dans le monde entier depuis des siècles. Ils ont longtemps été les plus chers, plus encore que les meilleurs crus français. «En 1906, un Fuder de 960 litres a été vendu aux enchères 15 030 marks-or, ce qui équivaut aujourd’hui à un peu plus de 100 000 euros, explique Christiane. Avec la vente de ce seul tonneau, le domaine pouvait payer une année de travail.»
Une ancienne carrière, des vignes bien exposées et un ruisseau qui coule au pied
Son lieu préféré
Le Rosenberg
Christiane adore Sarrebourg, où elle vit et où Via mosel’ détaille de nombreux points d’intérêt, mais elle ne dénigre pas non plus la Moselle supérieure, qui fait frontière avec le Luxembourg. Dans le cadre d’une nouvelle formation lancée par le Dienstleistungszentrum Ländlicher Raum (un service dédié aux acteurs de la ruralité), elle est devenue guide spécialisée dans la découverte de la nature (Naturerlebnisbegleiter), particulièrement pour le «vignoble mosellan vivant» (Lebendige Moselweinberge). «Nous avons beaucoup appris sur la faune et la flore qui vivent dans les vignes, notamment autour des murs de terrasses en pierres sèches : les reptiles, les papillons, les insectes, les fleurs, les arbustes…»
Pour valider ce diplôme, les futurs guides doivent créer et présenter leur propre parcours. «Avec mon mari, nous avons découvert le vignoble du Rosenberg, à Wehr (NDLR : en face de Hëttermillen, commune de Stadtbredimus). Nous l’avons parcouru avec notre chien et il était évident qu’il était très intéressant. D’anciennes terrasses sont calées sur ses fortes pentes et on trouve aussi des bosquets et des arbustes. Très difficile à travailler, ce vignoble a été abandonné et n’a donc pas été remembré, ce qui le rend d’autant plus riche aujourd’hui. Pourtant, au milieu du XIXe siècle, on y produisait des vins très chers, plus que les français.»
Cette ancienne carrière de Muschelkalk (calcaire coquillier) dont on devine toujours les contours est une niche où la biodiversité foisonne. Sous les pentes orientées sud/sud-ouest coule un ruisseau (le Helterbach) où la végétation est foisonnante. «Le contraste entre le vallon ombragé, humide et très vert et les vignes face au soleil est vraiment intéressant, affirme Christiane. Le Rosenberg, c’est un peu le cousin du Palmberg à Ahn : une ancienne carrière, des vignes bien exposées et un ruisseau qui coule au pied.»
Grâce à ce coup de projecteur, le Rosenberg est désormais reconnu comme une boucle sur le Moselsteig, une randonnée balisée sur toute la Moselle allemande. «Il est désormais bien mis en valeur grâce à des panneaux qui expliquent toute sa richesse écologique.»
Autour du vin
Le rosé in situ
Aujourd’hui, le vigneron Armand Frank et son fils Fabian (Weingut Carlsfelsen, à Palzem) travaillent de nouveau les vignes du Rosenberg. «Ce sont des vignerons courageux qui travaillent à l’ancienne, sans herbicides, pour garder ce site dans le meilleur état possible.» Dès qu’une parcelle est à vendre, il essaye de l’acquérir pour la remettre en état, opérant leur propre remembrement.
Puisque le sol est calcaire, ils n’y produisent pas de riesling car sur la Moselle allemande, on lui préfère un sous-sol en schiste. C’est donc du pinot gris et du pinot noir qui poussent ici. «Un de mes grands plaisirs, lorsque j’accompagne des visiteurs sur le Rosenberg, c’est de leur faire goûter au coucher de soleil le rosé à base de pinot noir qui est né sur ce terroir. Je trouve excellent ce vin au nez de rose, un peu sucré parce que les vignes sont très ensoleillées ! Déguster un vin dans la parcelle d’où il provient est toujours une expérience extraordinaire qui amène une dimension supplémentaire. Toutes mes visites sur le Rosenberg se terminent de cette façon.»
Via mosel’, le vin et l’architecture
Créé en 2021 à l’initiative du Groupement européen d’intérêt économique (GEIE) Terroir Moselle et porté désormais au Luxembourg par l’Office régional du tourisme Visit Moselle, Via mosel’ engage un regard transfrontalier sur la Moselle, de sa source dans les Vosges françaises jusqu’à sa confluence avec le Rhin, à Coblence. L’idée est de répertorier au fil de l’eau tous les lieux remarquables qui allient l’architecture et le vin, des jalons historiques qui documentent la riche histoire d’une région au cœur de l’Europe.
Les guides labellisés Via mosel’ ont tous reçu un enseignement initial dans l’un des offices de tourisme régionaux chargé de valoriser la rivière. Par la suite, un programme spécifique d’environ 6 mois leur a permis de se spécialiser sur les thèmes de l’architecture et des échanges transfrontaliers. Ces cours ont été donnés par des historiens de l’architecture ou même des architectes en exercice. À la fin du programme, un voyage transfrontalier a permis aux candidats de découvrir des sites des trois pays.
Les premiers séminaires ayant eu lieu pendant la pandémie, la visioconférence était systématique mais de vraies rencontres seront prévues lors des prochaines sessions. Cinquante personnes ont déjà reçu cet enseignement et 25 ont validé leur formation lors d’un examen final. Ce travail de fin d’études consiste en l’élaboration d’un circuit qui pourra être proposé ultérieurement dans le cadre de Via mosel’ tandis que lors de l’examen oral, les candidats ont dû guider les examinateurs sur une variante raccourcie de ce circuit.
Une deuxième promotion sera certainement lancée à l’automne 2023.
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