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De l’eau dans le gaz à Belval…


Les anciens sidérurgistes se battent pour conserver la cohérence du site, avec les conduites de gaz. (Photo François Aussems)

L’Amicale des hauts-fourneaux de Belval s’inquiète. Les conduites de gaz, pièces pédagogiques majeures du site, pourraient être démantelées. Enjeux et explications.

C’est un mauvais tour joué à la mémoire ouvrière. «Un bruit de couloir pour le moment», glisse Robert Gales, le président de l’Amicale des hauts-fourneaux de Belval. Si persistant que trois députés socialistes (Taina Bofferding, Georges Engel, Franz Fayot) ont interpellé le gouvernement via une question parlementaire, sans réponse pour l’instant. Et que le Fonds Belval, chargé de la reconversion de la friche industrielle, est injoignable pour en parler… Les conduites de gaz des anciens hauts-fourneaux pourraient être détruites.

Anodin ? Non, quand on connaît le rôle fondamental de ces tuyaux. «L’intérêt pédagogique de la plateforme serait très compromis, explique Robert Gales, qui a travaillé toute sa vie ici. Les sidérurgistes se sont battus pour conserver le site. Plus de 40 millions d’euros ont été investis pour sauvegarder les deux hauts-fourneaux et là, on va mégoter pour de la peinture.» Une certaine absurdité, au vu du potentiel touristique du site, unique dans la Grande Région.

Selon l’association, le Fonds Belval invoque deux arguments : les conduites posent des problèmes de sécurité et la conservation serait trop coûteuse. «L’argument du danger n’est pas tenable. Les tuyaux ont été construits pour résister à la chaleur et aux va-et-vient des trains. Les conduites sont en bon état, la rouille est superficielle.»

Sur l’argument financier, Robert Gales s’interroge. «Le Fonds Belval a été abondé pour un maintien complet du site. Où est cet argent ? En 2007, le ministre de la Culture lui-même avait réaffirmé l’importance de la cohérence du site. Pourtant, l’ascenseur du haut-fourneau A n’est pas achevé, la passerelle traversante non plus, le hall de mélange est encore en friche, etc.» Robert Gales note aussi que «le démantèlement des tuyaux coûtera de l’argent. Soustraction faite, la somme pour les sauvegarder n’aura rien de pharaonique.»

Pourquoi ils sont importants

Allons-nous priver les générations futures d’une pièce maîtresse du puzzle ? Visuellement, les conduites font partie du décor «à la Tim Burton». D’un point de vue pédagogique ensuite, les tuyaux étaient les veines de l’usine. Accrochez-vous, il faut suivre pour comprendre !

L’opération de fusion dans le haut-fourneau entraînait la création de gaz. Ces gaz étaient récupérés et nettoyés à travers un cycle de filtres : pot à poussières, puis cyclone et, enfin, laveurs. Ce sont les grands tubes que l’on voit derrière les hauts-fourneaux. Le gaz propre était ensuite acheminé vers les soufflantes (le bâtiment «All We Need»).

Là, le gaz était brûlé pour activer d’énormes pistons (d’où les 130 m de longueur du hall !) qui comprimaient de l’air dans les tuyaux de retour, vers des modules appelés coopers. Ce sont les trois bonbonnes à côté de chaque haut-fourneau. Dans les coopers, l’air était réchauffé à plus de 1 000 degrés, puis directement injecté dans le bas du haut-fourneau, pour favoriser une meilleure combustion entre le charbon de houille et le minerai de fer. Comme quand on active un barbecue au sèche-cheveux (l’image vaut ce qu’elle vaut…).

Les quantités de gaz récupérées étaient énormes. Une partie du gaz était acheminée vers Differdange ou Schifflange, pour faire fonctionner les fours des aciéries. Differdange, la Cité du fer, n’avait-elle pas de gaz à récupérer de ses propres hauts-fourneaux ? Si. Mais à l’époque où Differdange régnait avec une dizaine de hauts-fourneaux, il manquait parfois du gaz pour les grandes productions (les usines s’en «prêtaient»). Et au moment où Differdange a fermé ses hauts-fourneaux, dix-sept ans avant Belval, les aciéries n’avaient plus de gaz pour chauffer les fours… Les conduites de gaz, on le voit, sont d’un intérêt majeur. Des kilomètres ont été coupés, mais celles qui restent suffisent à comprendre le fonctionnement global de la sidérurgie.

Au sein de l’association, il n’y a pas que les anciens sidérurgistes qui se battent pour leur conservation : Francis Hengen, du Mouvement écologique, ou Sophie Kaiffer, architecte formée à l’Uni, sont aussi de fervents défenseurs de la mémoire ouvrière.

Hubert Gamelon

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