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À Esch-sur Alzette, l’ouverture du Streik permet de renouer avec la tradition


Streik: avec un nom pareil (qui signifie "grève"), il y a de quoi mettre la pression aux patrons! (photo: le Quotidien)

Jusqu’aux années 1990, le bâtiment de l’OGBL a toujours accueilli un café.  Pensez-y en buvant votre bière : le café Streik d’Esch-sur-Alzette est historique. On y a fomenté des grèves mythiques, dans les odeurs de tabac et de houblon, on y a débattu politique comme jamais.

On y a honoré les grands noms du socialisme luxembourgeois, du Dr Welter (Esch) à l’ouvrier Jean Schortgen (Tétange), en trinquant à leur mémoire, comme les Vikings buvaient dans le crâne des anciens pour en prendre l’esprit.

«Le café de la Maison du peuple existe depuis 1927, explique Fréderic Krier, membre de l’OGBL et universitaire. La rue ne s’appelait pas encore Kennedy…»

Et le syndicat ne s’appelait pas encore OGBL. Mais «BMIAV», une fédération de mineurs, sidérurgistes et ouvriers de l’industrie.
«L’endroit avait été racheté à un certain monsieur Cresto. Ça s’appelait l’hôtel des Voyageurs.» Forcément, juste en face de la gare! Dès le départ, l’idée de conserver le café est importante.

«Un autre débit d’alcool est même installé de l’autre côté du bâtiment», précise Frédéric Krier. Pourtant, le but premier du syndicat était d’acquérir un lieu pour imprimer un journal! Mais en 1927, la même année, les imprimeries Schroell de la rue du Canal sont à vendre.

«Le syndicat avait sauté sur l’occasion, devenant par la même occasion propriétaire du Tageblatt, avec l’aide des cheminots et d’un syndicat belge.»

Relais populaire pour le débat d’idées

Avec la Maison du peuple, l’ancêtre de l’OGBL va trouver un relais populaire à ses idées. «Il y avait la salle de réunion bien sûr. Mais il y avait la réunion officieuse au coin du zinc…» Ce n’est pas à l’usine que l’ouvrier avait le temps de parler.

Ni en rentrant à la cité, où l’on attendait d’abord de lui qu’il rentre avec un salaire à la maison. Pas qu’il fasse la révolution! Mais au café, oui, l’ouvrier pouvait aiguiser ses idées. «Dans le film Streik d’Andy Bausch, on le voit bien. Le député Nic Biver prend d’ailleurs des notes sur un sous-bock!»

Les Maisons du peuple vont se développer dans tout le Sud. C’est d’ailleurs en réalité à Dudelange, en 1924, qu’est ouvert le premier café syndical du BMIAV. Et avant celui-ci, dès 1904, le Dr Welter (premier député socialiste avec Spoo) avait ouvert une permanence-café à l’angle de la rue des Jardins, à Esch.

«La période d’après la Première Guerre mondiale est importante, estime Fréderic Krier. Car c’est la naissance du syndicalisme luxembourgeois, sans affiliation avec le syndicalisme allemand.»

La Battin était brassée pas loin…

Après la Seconde Guerre mondiale, le syndicat prend le nom de LAV, la fédération luxembourgeoise des ouvriers. Puis en 1979 enfin, OGBL, «avec l’ouverture du syndicat aux employés du privé». On continue à boire des coups à la Maison du peuple, à refaire le monde (ou la feuille de salaire) autour d’une bonne bière locale : la Battin de Charles, brassée à un pâté de maisons.

La brasserie ne déménagera qu’en 2005 à Bascharage. De toute façon, le café est fermé dans les années 90. Une concession est accordée à un restaurant portugais, le Bairrada. «Avec la fin du contrat de concession, le président de l’OGBL a relancé l’idée d’un café comme avant», raconte notre interlocuteur.

On ne peut plus y fumer. Mais on peut toujours refaire le monde, en commençant par un petit bout, le Luxembourg. Trait d’ironie, tout l’univers tourne autour de la grève (Streik) et du film du même nom d’Andy Bausch.

Le design est soigné, chaleureux. Et vous savez quoi? On n’a jamais vu autant de vieux ouvriers dans un bar si tendance!

Hubert Gamelon

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