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La Louvière : le combat pour éveiller les consciences sur les violences conjugales


(photo d'illustration AFP)

« Je savais que les violences conjugales existaient. Je ne me rendais pas compte que j’étais concernée ». Dans une maison d’accueil, en Belgique, des femmes fuyant leurs conjoints espèrent que la nouvelle loi belge sur les féminicides va permettre de mieux lutter contre le fléau des violences.

Dans ce centre géré par l’association Solidarité femmes, à La Louvière près de Mons (sud), les affiches sur les murs décortiquent les processus de domination : violences psychologiques, climat de tension, coups et blessures. Les femmes fuyant un conjoint violent peuvent y poser leurs valises durant quelques mois.

Trente-six femmes et quelques enfants y sont accueillis. Certaines acceptent de se livrer à la condition d’un strict respect de leur anonymat, afin d’éviter d’éventuelles représailles. Parmi elles, une jeune femme de 28 ans originaire d’Afrique subsaharienne a été enfermée durant deux ans chez elle par un mari qui lui interdisait de travailler ou d’ouvrir un compte bancaire. Quelques mois après les premiers coups, elle s’est enfuie. Rejetée par ses parents, elle a trouvé refuge dans ce centre. « Ici, c’est ma famille », sourit-elle, les larmes aux yeux.

En 2022, le blog spécialisé « Stop Féminicide » a recensé 24 féminicides en Belgique, un chiffre « assez haut » par rapport à la France en proportion de la population, selon sa coordinatrice Aline Dirkx. Il y en a déjà eu dix-sept en 2023. Les campagnes de sensibilisation peuvent potentiellement sauver des vies. Une autre hébergée du centre a pris conscience de la violence qu’elle subissait grâce à des affiches dans la rue. Désormais cette trentenaire tente de se reconstruire et se dit « rassurée » pour l’avenir de ses enfants en bas âge.

Elle confie aussi son espoir que la nouvelle loi mettant noir sur blanc le mot « féminicide » – un texte qualifié « d’historique » dans le milieu associatif – puisse attirer encore davantage l’attention sur les violences subies par les femmes. La loi, votée le 29 juin par les députés belges, entend combattre « les féminicides et homicides fondés sur le genre ». Elle en distingue plusieurs dont celui « non intime », dans un contexte d’exploitation sexuelle, et le « féminicide indirect », si jamais « un dommage à une femme » (viol, mutilation génitale) entraîne sa mort ou son suicide.

« Un premier pas » 

« Enfin, on définit ce qu’est un féminicide », se réjouit Josiane Coruzzi, directrice de Solidarité Femmes. « C’est la première fois en Belgique qu’on a, à la tête des ministères concernés par le genre et l’égalité hommes-femmes, des femmes jeunes et ouvertement féministes. Elles font vraiment bouger les choses », ajoute cette fervente féministe, elle-même fille d’une victime de féminicide.

Une allusion notamment à Sarah Schlitz, qui en tant que secrétaire d’État à l’Égalité des genres (2020-2023) a fermement défendu les avancées de cette nouvelle loi au nom du gouvernement belge.

Face aux députés le jour du vote, l’élue écologiste de 36 ans n’a pas caché que son combat s’inspirait en partie d’un traumatisme personnel: la perte en 2013 d’une amie d’enfance tuée par son compagnon. Un assassinat découvert un matin dans la presse locale. « Aujourd’hui j’ai une pensée pour elle », lâche-t-elle, émue.

Malgré des dispositions concrètes, comme le renforcement des formations destinées aux magistrats et policiers ou l’obligation faite aux autorités de recenser les féminicides, la loi suscite quelques critiques. « On reconnaît que le problème social existe et que le féminicide n’est pas un simple fait divers, mais la loi ne comporte aucune nouvelle disposition pénale », regrette Marion de Nanteuil, avocate à Bruxelles.

Le code pénal belge prévoit déjà une circonstance aggravante en cas de coups et blessures sur conjoint, mais le féminicide n’est pas jugé comme une infraction à part. « Un certain nombre d’associations attendaient d’obtenir une définition pénale et donc des sanctions pénales à la clé. On ne l’a pas obtenu. Cette loi est un premier pas », relève Josiane Coruzzi.

Pour Sarah Schlitz, « l’essentiel est de faire en sorte qu’un maximum de gens comprennent les phénomènes à l’œuvre derrière les féminicides ».

 

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