Hervé Grandjean, conducteur de train messin et syndicaliste chez Sud-Rail, se confie sur la relation avec les usagers, l’ADN de son métier, le «SNCF bashing» et les raisons de la grève qui touche notamment les frontaliers.
Pourquoi les cheminots font grève ce jeudi ?
Hervé Grandjean : ce ne sont pas uniquement les cheminots, il y a un enjeu de société global, j’y reviendrai après. Concernant les cheminots, nous avons accumulé les réformes : 2003, 2007, 2010, 2014. Aujourd’hui, 80 % des conducteurs sont dans mon cas : nous sommes entrés à la SNCF au début des années 2000 en connaissant les avantages et les inconvénients du métier. L’un des avantages principal, c’était le départ à la retraite à 50 ans. Aujourd’hui, nous sommes à 58 ans. Demain avec la réforme, c’est tout le système de décompte qui va être révisé. On va perdre jusqu’à 30 % de retraite. Ce ne sont pas des changements mineurs : nous parlons du travail des gens et de choix de vie.
58 ans, ce n’est pas très vieux quand même.
Il y a une dizaine d’années, j’avais demandé à la caisse de retraite une moyenne précise de l’espérance de vie des salariés de la SNCF : 70 ans, cadres et ouvriers confondus. Imaginons qu’on ait gagné quelques années depuis, nous sommes loin des 85 ans qu’on nous prédit. Sur le fond maintenant : nous sommes devenus cheminots par vocation, mais aussi en pesant le pour et le contre de la profession. Les heures du dimanche payées à 1,50 euro supplémentaire? Ok. Les heures entamées non payées? Ok. La progression salariale limitée? OK. Les trains ont du retard, les annulations? On arrive en retard chez nous comme les usagers, on enchaîne des horaires élastiques. Mais pourquoi raboter les avantages ainsi ?
Quel rapport avez-vous avec les usagers qui sont exaspérés ?
Ce que je voudrais leur dire : notre fierté de cheminot, l’ADN du métier, c’est deux choses : la sécurité des passagers et la ponctualité. Il y a des lignes où c’est plus compliqué, et la ligne Luxembourg est emblématique. Mais en Lorraine, notre taux de ponctualité général est de 98 %. Et même vers Luxembourg, je vous assure qu’on a tous le nez sur la montre : la pression est énorme.
Il y a un SNCF Bashing par principe
Pourquoi c’est plus compliqué vers Luxembourg ?
Il y a un SNCF Bashing par principe. Mais la grande majorité des problèmes se passent sur le territoire luxembourgeois, pas chez nous. Le gouvernement lance des travaux d’infrastructures à tout va pendant que les utilisateurs sont de plus en plus nombreux.
Quant à l’adaptation du système de sécurité ERTMS à la frontière, il y a eu un calendrier accéléré imposé par le Luxembourg en raison d’un deuxième accident majeur (NDLR : février 2017) sur leur réseau : on subit, au même titre que les usagers, et même sur ce point, le Luxembourg pourrait faire mieux si le but était vraiment de rendre service aux usagers.
C’est-à-dire ?
À partir du 15 décembre, des ruptures de charges vont se produire au niveau de Thionville vu que tous nos trains ne sont pas encore estampillés ERTMS. En clair, les usagers vont monter et descendre des rames afin d’emprunter un train équipé pour franchir la frontière.
On aurait pu limiter ces opérations au strict minimum si le Luxembourg avait accepté de ne plus faire rouler ses trains jusqu’à Nancy pendant quelques mois et de les arrêter à Thionville ou Metz pendant que la SNCF prenait à sa charge tous les trajets vers Nancy. Mais non, ils ont insisté pour aller jusqu’au bout.
Pourquoi vouloir faire rouler des trains CFL jusqu’à Nancy ?
Personne ne vous dira pourquoi. C’est à mon avis une question de stratégie : avec l’ouverture de rails à la concurrence, les CFL veulent occuper le terrain au maximum sur la ligne transfrontalière…
J’ajoute à cela qu’on nous a donné un délai de 2 minutes pour repartir en terminus de Luxembourg à partir du 15 décembre. C’est impossible à tenir : fermer et ouvrir la cabine de retour, laisser descendre tous les passagers, c’est minimum six minutes.
Un dernier mot sur la réforme : vous avez évoqué une vision de société. Il semblerait que des personnes qui ont fait des carrières précaires y gagnent quand même.
Les ultraprécaires vont bénéficier d’un « coup de pouce » mais la majorité de la société va se précariser, avec un système de points qui s’étale sur toute la carrière et qui sera conditionné à un plafond de pourcentage du PIB.
Chez Sud-Solidaires, nous pensons qu’il ne faut pas individualiser le combat, ni par catégorie professionnelle ni par classe d’âge. Le gouvernement veut acheter la paix en expliquant que la réforme ne vaudra que pour ceux qui rentreront sur le marché du travail à partir de 2025 mais cette imprévisibilité, cette précarité, nous ne la voulons pas pour les générations futures non plus.
Entretien avec Hubert Gamelon
La raison: « moi, privilégié, refuse égoïstement de perdre mes privilèges ».
Bonjour,
Je suis contractuel à la SNCF , je fais le même boulot que les cheminots sauf que je n’ai pas le droit à la prime de fin d’année , je ne gagne que 1600e à 50 ans et je n’aurais que ma retraite à 62 ans et non entre 50 et 57 ans !!!