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Braquage et séquestration à Eich : «C’est moi la tête pensante»


Il a braqué et il l'assume. Sans détour, Redda B. a livré son récit à la barre. Avec son histoire de prince charmant fin 2012, il avait réussi son objectif : récolter des sous. (Photo : archives lq/isabella finzi)

Fin 2012, une prétendue transaction de bijoux de luxe pour un prince arabe s’était terminée en un braquage avec séquestration et prise d’otages dans une fiduciaire rue de Mühlenbach. Jeudi, au 6e jour du procès, la 13e chambre criminelle s’est attaquée à l’audition du dernier des quatre prévenus. À 49 ans, Redda B. est un vieux routier des prétoires. Et ça s’entend!

«C’est moi la tête pensante.» Il y est allé cash, jeudi après-midi. À la barre, Redda B. n’a pas fait mystère de cette histoire de prince qu’il avait montée en amont. Dans un cabinet d’avocats à Paris, l’homme à la carrure imposante et au crâne dégarni, alors en cavale, s’était présenté comme chef de sécurité d’un jeune prince voulant investir plusieurs milliards. Tout avait fonctionné comme sur des roulettes. On lui avait vite refilé le contact d’une fiduciaire au Luxembourg. «Et personne ne vous a questionné sur ce prince?», s’est intéressée la présidente.

– «Avec 3,4 milliards d’euros. Excusez-moi!» «J’ai trouvé l’endroit où on ne pose pas de questions quand on arrive avec des sous», ajoutera le quadragénaire. Une fois le contact établi avec l’homme d’affaires – celui qui a ensuite dû convoquer des bijoutiers renommés pour une vraie fausse vente de montres de luxe –, «tout était carré pour passer à l’acte». Il y aurait eu cette «confiance mutuelle» avec son acolyte Ali A. Quand ce dernier l’avait rejoint au domicile de la victime, il n’aurait pas eu besoin de lui demander de sortir les armes. «On n’est pas venus chercher une pizza. On savait pourquoi on était là!»

«Mauvais garçon»

Dans son récit, Redda B. évoquera chaque détail : pour l’achat des «armes factices», il raconte avoir «prétexté tourner un clip de rap». Il n’aurait pas non plus voulu avoir de femmes pour la fausse vente dans la fiduciaire, rue de Mühlenbach. «J’ai raconté l’histoire que le prince pourrait tomber sous leur charme…»

Redda B. a passé la plus grande partie de sa vie derrière les barreaux. Qu’il est un «mauvais garçon», il ne le cache pas. Mais quand il prend la parole, il sait peser ses mots. «Quand je vais vous parler, cela va être simple, clair et limpide», a-t-il, d’ailleurs, annoncé en s’avançant à la barre.

Bref, c’était tout le contraire du prévenu Mohamed F. (38 ans) en début d’audience. Pendant près de deux heures, le trentenaire aura baratiné les juges. Leur exaspération était palpable. «Vous parlez bien, mais vous racontez n’importe quoi. Vous essayez de noyer le poisson», ne manquera pas de le couper la présidente.

Frictions entre braqueur et receleur…

Tout comme Daniel V., Mohamed F. est poursuivi pour recel. Mais il dit ne rien avoir su des faits au Luxembourg. Mi-décembre 2012, on lui aurait présenté Redda B. comme un «homme d’affaires». Ils auraient passé des soirées ensemble à Paris en discutant de «sujets intellectuels». «Des sujets intellectuels?» Oui, la chambre criminelle avait bien entendu. Ces soirées se seraient poursuivies en Espagne avec «un peu la même ambiance qu’à Paris, mais plus ensoleillé quoi…»

C’est la présidente qui a dû lui rappeler que, selon l’enquête, il avait aperçu une première fois les montres volées dans une chambre d’hôtel à Paris. Mais selon Mohamed F., Redda B. restera un «homme d’affaires» qui aurait voulu ouvrir un hammam, un karting ou un magasin de chaussures de luxe sur la Costa del Sol. Il ne se serait toutefois pas posé la question de savoir d’où venait son argent… alors qu’il avait continué à «jouer au concierge de sa villa» à Marbella quand il était en prison. Et de sa tentative d’évasion, il ne veut pas non plus avoir été l’instigateur.

Tout ce baratin a pris fin quand il a tenté d’expliquer aux juges la différence entre «faire un coup ensemble» et «boire un coup». «Jamais je n’ai connu Redda B., Ali. et Daniel V. avant le mois de décembre», réussira-t-il à placer avant d’être congédié sur le banc.

C’est plus ou moins le seul point que Redda B. confirmera à la barre. Pour le reste, leurs positions divergent. «Quand il est monté nous rejoindre dans la chambre à Paris, il a vu les montres étalées. Il a dû comprendre ce que j’avais fait 48 heures auparavant!»

Redda B. étant actuellement en prison et Mohamed F. sous contrôle judiciaire, leurs chemins se séparaient après l’audience. C’était peut-être mieux ainsi. Car l’entente entre les deux ne semble pas être au beau fixe. Extraits de leur dispute verbale hier :

– «Il connaît les voyous que je connais.

– Tu parles à moi?

– Je t’ai pas pris un centime…»

Suite des débats ce vendredi matin.

Fabienne Armborst

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