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Ces frontaliers qui ont quitté le Luxembourg


Ces travailleurs ont laissé le Luxembourg derrière eux pour différentes raisons. (photo RL/Pierre Heckler)

Ils ont travaillé quatre à dix ans au Luxembourg avant de retourner de l’autre côté de la frontière, forts de leur expérience. Sans regrets.

«Quand j’ai dit que je quittais mon poste au Luxembourg pour monter ma boîte en France, tous mes amis m’ont dit que j’étais fou !» La formule revient à plusieurs reprises dans la bouche de ces entrepreneurs. Pourtant, ils ne se connaissent pas. Kevin Mathieu, Oussama Boudiaf, Mickaël Bobeczko et Jean-Yves Da Cunha ont entre 20 et 45 ans et plusieurs points communs. Le premier : tous gagnaient bien leur vie au Luxembourg. Des salaires entre 2 600 et 5 000 euros par mois.

Mais au fil des ans, cet argument a perdu peu à peu de sa force. «Les trajets sont extrêmement pénibles et ça a été en s’aggravant, témoigne ainsi Kevin, qui habite du côté de Longlaville. Quand j’ai pris mon poste (NDLR : ingénieur qualité dans l’agroalimentaire), je mettais 1 h 15 à me rendre au travail. Et puis, tous les ans, j’ai mis mon réveil 15 minutes plus tôt pour éviter les embouteillages.»

Le covid et le confinement ont remis en question ces conditions de vie : «Pourquoi autant de contraintes pour un salaire un peu plus élevé ?» D’autant que l’ambiance chez le voisin y est parfois décrite comme assez pesante. «N’être qu’un numéro», selon l’expression d’Oussama Boudiaf, qui travaillait dans une grande boulangerie industrielle de 150 personnes. «Une grosse pression», pour Mickaël Bobeczko, et même «un environnement toxique», pour Kevin Mathieu. «J’y suis allé parce que je devais remplacer une personne qui devait partir à la retraite. Mais ça n’est jamais arrivé : au bout de quatre ans, je suis parti et elle est toujours là», s’amuse Jean-Yves Da Cunha, originaire d’Audun-le-Roman.

« Leur propre patron »

Alors l’envie de revenir est apparue, mais «pas pour faire la même chose en France». «Depuis toujours, je voulais ouvrir mon commerce avant mes 30 ans. C’est d’ailleurs plutôt pour ça que j’ai été au Luxembourg, rectifie le Villeruptien Oussama Boudiaf. Mettre de l’argent de côté pour réaliser mon projet.» Tous voulaient devenir leur propre patron. Et aucun n’a eu la tentation de le faire au Grand-Duché ni dans une autre région de France.

«J’ai passé mon CAP dans le Médoc, à l’époque, parce que j’avais suivi mes parents, confie Mickaël Bobeczko, installé à Cosnes-et-Romain. Mais je suis revenu dans l’est, j’y avais mes attaches, mes amis.» Le quasi-quadragénaire parle aussi «d’un potentiel énorme à développer» de ce côté-ci de la frontière. «J’avais envie de donner sa chance à la France», comme dit Kevin Mathieu. Certains secteurs manquent de façon tellement pressante de professionnels que celui qui s’installe ploie sous la demande des clients. Pour l’heure, les entreprises créées par les quatre hommes ont toutes connu un lancement plutôt fulgurant.

«Oui, j’ai pris un risque»

«Quand j’ai voulu monter mon entreprise, je n’avais travaillé qu’un an – en alternance – en France, confie Kevin. On ne m’a parlé que de contraintes : de l’Ursaff, des impôts, des charges, etc.» «Dégoûté» du secteur de l’agroalimentaire, le jeune homme de 35 ans se trouve désormais à la tête d’une société spécialisée dans la lutte contre les nuisibles. «Honnêtement, ça a été plus facile que je ne le pensais. J’ai été soutenu notamment par le réseau Initiatives bassin Briey-Orne, mon comptable… Ça s’est fait assez vite. On est loin des stéréotypes sur l’administration française.»

Même son de cloche du côté de Jean-Yves, qui évoque un prêt d’honneur dont il a bénéficié pour lancer son entreprise d’aménagement des extérieurs de maisons. «J’ai démarré en plein pendant le covid, en mai 2020, tant qu’à faire…», se souvient-il en riant.

Et malgré la conjoncture défavorable, la clientèle répond présent. La demande est «pressante», même, selon Michaël Bobeczko, qui travaille dans les toitures, beaucoup de travailleurs «disparaissant» au Luxembourg. «Alors oui, j’ai pris un risque, j’avais une famille, un prêt immobilier sur le dos, mais au bout de six ans, nous sommes déjà une entreprise de huit personnes. J’ai commencé dans le garage de ma mère et j’ai tout de suite été débordé. J’ai embauché au bout de quatre mois.»

Le jeune Oussama Boudiaf a, lui aussi, vu sa boulangerie-pâtisserie décoller immédiatement. Ouverte le 1er juin 2022 à Villerupt, elle compte déjà sept employés : «Moi et ma belle-sœur comme gérants, un pâtissier, un boulanger et trois vendeuses.»

Le lien avec le Luxembourg n’est pas totalement rompu non plus : les entrepreneurs y comptent des clients. «On connaissait mon travail là-bas, ils savent que je fais les chantiers avec de l’ardoise, du zinc», détaille Michaël. «Je cherche encore à recruter un viennoisier, annonce, quant à lui, Oussama. Je devrais bientôt livrer de grosses quantités de croissants pour une brasserie du Luxembourg.»

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