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Alzheimer : aidant, un travail à temps plein


Wassila Aggoune-Mtala est l’une des 11 millions d’aidants en France. (Photo : rl/philippe neu)

C’est un choix dicté par le sens du devoir. Celui d’accompagner, jusqu’à la fin, un père malade et dépendant.

Cela commence par des actions anodines. Des paquets de gâteaux qui s’accumulent dans le placard. Des objets oubliés dans le frigo. Puis, très vite, ces curiosités deviennent troublantes. Jusqu’à ce que le doute s’immisce chez les proches. «Je n’arrive pas à savoir depuis quand il est atteint. La maladie s’est installée de façon insidieuse. Au début, on ne remarque rien, et puis…» Wassila Aggoune-Mtala se souvient du jour où les médecins ont mis un nom sur la maladie de son père, aujourd’hui âgé de 81 ans. Alzheimer. C’était en novembre 2021. «Quand le diagnostic tombe, c’est presque un petit soulagement parce que ça explique tout.»

«Tant que je serai en vie, il ne sera pas placé»

Les premiers signaux étaient apparus deux ans plus tôt. Puis, à partir du printemps 2021, l’état de santé de son père se dégrade brutalement, jusqu’à la perte totale d’autonomie. Aujourd’hui, l’octogénaire est accompagné au quotidien par une équipe de soins à domicile. En accord avec sa sœur et ses deux frères, Wassila refuse de le placer dans un centre spécialisé. «Tant que je serai en vie, il ne sera pas placé», souffle-t-elle, rongée par la culpabilité d’une telle hypothèse.

À 45 ans, la Thionvilloise, mariée et mère de trois enfants, s’est glissée dans le costume d’aidante. Un rôle qu’elle exerce au quotidien en parallèle de son métier de chercheuse. Depuis bientôt deux ans, elle rend visite chaque jour, ou presque, à son père qui vit seul à Fameck. «Quand je n’y vais pas, je me sens coupable. Chaque jour, il pleure lorsqu’il me voit parce qu’il ne se souvient pas de m’avoir vue la veille.»

« Le rôle parent-enfant s’est inversé »

C’est un travail à temps plein qui ne porte pas son nom, sans vacances ni week-ends. Une charge physique et morale qu’elle supporte, malgré les conséquences néfastes sur sa vie familiale. «Il ne peut plus se laver ni manger seul. Le rôle parent-enfant s’est inversé. C’est ce qui est difficile à accepter.»

Cet été, Wassila s’est rapprochée de l’association Gérontonord, à Thionville, après que l’équipe de soins a fait remonter les difficultés rencontrées avec son papa. «Avant sa maladie, c’était quelqu’un de très impulsif et colérique. C’est pour ça que j’ai entamé une formation d’aidante auprès de Gérontonord», explique-t-elle.

«Vous n’êtes pas seuls»

Une fois par mois, elle participe au Café des aidants, dans les locaux thionvillois de l’association. Elle échange avec des personnes dans la même situation qu’elle. Une parenthèse réconfortante qui lui assure, de son aveu, une sorte de «reconnaissance» de son statut d’aidante. «Le message qu’on leur fait passer, c’est : vous n’êtes pas seuls. Ils ont besoin de l’entendre. On est souvent aidant par devoir, pas par choix», indique Sophie Lampert, directrice de Gérontonord.

Avec le temps, Wassila a appris à vivre avec la maladie de son père. Elle l’accepte, en pensant «chaque jour» à l’épilogue. «J’ai fait le deuil de la personne qu’il était. La mort, on y pense sans arrêt. Mais la question qui me taraude, c’est comment je vais le vivre?»

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