L’État français ne compte pas mettre un euro dans l’A31 bis sur le secteur nord, qui pourrait devenir payante. Ce sont donc les frontaliers eux-mêmes qui paieront leur autoroute. À moins que…
Depuis jeudi, l’A31 bis entre Thionville et Luxembourg est confirmée comme priorité côté français. Reste que le financement interroge. C’est le président de la communauté d’agglomération du Val de Fensch, Michel Liebgott, qui a dégainé le premier par communiqué. Joint par nos soins, il s’interroge : «Le rapport Duron (NDLR : remis à l’État français jeudi) nous dit que le tronçon nord de l’A31 bis est le plus urgent. Or, c’est là où l’État français ne compte pas investir un euro ! Quand je lis la suite, je vois que l’État va mettre 400 millions d’euros pour les tronçons centre et sud (Metz et Nancy), pourtant jugés moins urgents…»
En effet, c’est bien une délégation à un opérateur 100% privé qui est privilégiée pour le tronçon nord. En clair, une concession serait donnée à partir de 2023. L’opérateur privé aurait alors jusqu’à environ 2028 pour construire la troisième voie d’autoroute : à charge pour lui de se payer sur le portefeuille des utilisateurs avec un système de péage après. «Je ne suis pas contre le principe de péage, insiste Michel Liebgott. Si cela correspondait à une norme générale, avec des critères objectifs qui justifient le recours à un financement 100% privé. Mais là, juste pour le tronçon nord, il y a un côté double peine pour les frontaliers.»
«Win-win» avec le Luxembourg, es-tu là ?
Pourquoi confier le tronçon nord à un opérateur privé, au final ? C’est la question clef. La réponse officielle : pour accélérer sur le dossier. Car l’État français va déjà faire les fonds de tiroir pour financer son plan national de remise à niveau des infrastructures de transports (de 48 à 80 milliards d’euros), avec des arbitrages douloureux. Le rapport Duron privilégierait donc la facilité de l’opérateur privé vers Luxembourg, vue l’urgence de la situation.
Toutefois, une autre hypothèse peut être mise en avant. Peut-être que les experts considèrent que cette autoroute va autant servir la croissance du voisin luxembourgeois que celle de la France : camions vers la nouvelle plateforme de Bettembourg, décongestion de l’accès à la main-d’œuvre frontalière, etc. Et qu’en l’état des choses, il n’est pas illégitime de limiter la participation française au minimum, si l’État luxembourgeois n’y participe pas non plus.
Personne n’a été en mesure de nous confirmer cette hypothèse. Mais plusieurs élus lorrains nous ont confié leurs «attentes» sur le sommet franco-luxembourgeois qui doit se tenir à la fin du mois. Lors duquel l’État français pourrait souffler l’idée d’un cofinancement (l’État mettrait donc de l’argent) à son homologue luxembourgeois, dans le cadre d’un projet «win-win» comme les aime tant le Grand-Duché. Sauf que la barre serait autrement plus haute qu’avec les quelques terrassements de parking-relais proposés par le Luxembourg pour le moment.
Et si les États français et Luxembourgeois ne tombaient pas d’accord ? L’autoroute devrait alors se faire en se servant sur le dos d’une main-d’œuvre malléable, sans représentant syndical identifié, et trop à cheval sur la frontière pour cerner les réels enjeux dont elle fait l’objet : les frontaliers.
Hubert Gamelon