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Vivre sa vie

Militaires renversés par une voiture en région parisienne, attaque à la kalachnikov contre un restaurant d’expats au Burkina Faso, massacres à la voiture-bélier à Barcelone et Cambrils, attaque au couteau en Finlande… Ça y est, ça recommence : la multiplication, à une cadence effrénée, des atrocités commises dans divers points du globe qui viennent alimenter des réseaux de l’information reconnaissants en cet été passablement ennuyeux, dominé jusqu’à présent par les outrances d’un narcissique aux commandes des États-Unis.

Mais la spectacularisation de l’information, au profit de la résurrection d’une fascination archaïque pour la violence, n’est pas seulement le résultat d’une stratégie terroriste qui consiste à frapper fort, partout et souvent, dans le but de stupéfier et d’attirer sur elle toute l’attention pour s’introduire dans l’actualité du jour. Ni celui du simple devoir d’informer d’une industrie des médias, soumise au vote impitoyable des internautes, notoirement cynique et plus que jamais encline à servir les pulsions les plus basses pour se tirer d’affaire. Notre fascination pour la violence renvoie indéniablement à quelque chose de plus profond.

Elle n’est pas seulement la conséquence du progrès technologique et de moyens de communication toujours plus performants ou d’une tendance à donner la priorité à l’image face à l’écrit, même si les réalités virtuelles dépassent de loin en intensité tout ce que nous avons encore tendance à appeler la vie réelle, qui ne semble plus tenir le coup face à elles. Constat qui peut inspirer un sentiment de solitude et mener à la misère la plus destructrice, comme celle dont se nourrit le terrorisme. Non, si les représentations de violence continuent de nous fasciner, c’est probablement aussi parce qu’en elles nous espérons trouver l’attitude à adopter face à la mort, un peu comme la corrida permet de le faire. En ce sens, le chevauchement entre virtuel et réel n’est peut-être que l’occasion renouvelée pour nous de rejouer une pièce très ancienne de notre théâtre intérieur, à savoir apprendre à tenir le coup face à la mort et à vivre sa vie plutôt que de la subir.

Frédéric Braun (fbraun@lequotidien.lu)

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