Virilité et stupidité

Roi de la jungle, Cecil est mort, victime d’un chasseur qui trouve jouissif l’acte de tuer. Pour le plaisir, forcément.

La toile s’est enflammée contre ce dentiste américain qui a abattu le lion Cecil, véritable icône du parc national Hwange au Zimbabwe. Une pétition a circulé sans tarder, réclamant justice. Le coupable doit payer pour son crime.

Alors que les réseaux sociaux traquent désormais sans relâche les amateurs de safari de grande chasse en Afrique, ces derniers continuent de poser fièrement devant les dépouilles de bêtes majestueuses, pensant exhiber surtout toute leur puissance, leur vigueur. Ne dit-on pas que la chasse est le passe-temps le plus viril ?

Curieusement, il provoque de nos jours l’effet inverse. Ce dentiste américain, devenu en l’espace de quelques heures l’homme le plus haï de la terre, n’a rien d’héroïque. Les internautes les plus virulents le soupçonnent même de posséder de très modestes attributs sexuels, pour le formuler plus civilement que certains commentateurs. La virilité en prend un sacré coup, devenant synonyme de lâcheté et d’impuissance. Le pauvre dentiste doit se cacher dans son slip à l’heure qu’il est !

Il a néanmoins répondu à ses millions de détracteurs. Il se trouvait bien au Zimbabwe pour une chasse à l’arc au gros gibier, mais ignorait que le lion qu’il venait d’abattre était une célébrité locale équipée d’un collier, et objet d’une étude. Non, il ne connaissait pas Cecil, célèbre pour sa crinière noire, dit-il. En revanche, il déclare avoir fait confiance à l’expertise de ses deux guides pour s’assurer du cadre légal de cette chasse. Encore un acte de courage que de se réfugier derrière ces deux guides payés 50 000 euros, loin du tarif horaire pratiqué au Zimbabwe.

Pour mieux humilier encore le meurtrier de Cecil, les médias, largement relayés par les réseaux sociaux, ont mis à l’honneur Kinessa Johnson, ex-membre de l’US Army qui défend les animaux en Afrique pour le compte d’une ONG et lutte contre le braconnage. C’est une femme, vétérane d’Afghanistan. L’héroïne remise au goût du jour. Pour la chasse symbole de virilité, on repassera.

Geneviève Montaigu (gmontaigu@lequotidien.lu)