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Tours de vice

Il n’y a décidément aucun sujet plus fondamental aux États-Unis. Pas même le risque d’un défaut de paiement et d’une banqueroute menaçant l’économie mondiale. Leurs vieux mâles libidineux en ont plutôt remis une couche sur l’avortement, inlassablement attaqué depuis un an. Cette fois, tandis que ses voisins ont déjà tous fermé la porte, la Caroline du Sud a ouvert un nouveau front en limitant l’accès à l’interruption volontaire de grossesse à six semaines. Pas un jour de plus. Qu’importe si les futures mères ignorent bien souvent qu’elles sont enceintes à ce moment-là. Et tant qu’à faire, les plus hostiles aux libertés individuelles envisagent aussi sérieusement d’interdire définitivement la pilule abortive, en sursis ces derniers mois.

Encore une façon de «gifler les femmes», a cinglé une sénatrice écœurée, pourtant à droite de l’échiquier politique. Un tour de vice supplémentaire pour leur rappeler, si elles avaient oublié, que leurs droits ne comptent pas. Que leur corps n’appartient qu’à cette caste de réactionnaires, encombrants vestiges des siècles. C’est bien la peine de faire la leçon aux dictateurs. Ceux-là, au moins, assument d’être de sombres abrutis.

Les lâches et les hypocrites, chantres du patriarcat, décident encore et toujours à la place des seules concernées. En sachant que si les rôles étaient inversés, les hommes auraient réglé depuis longtemps ces trucs de bonnes femmes. Ils s’autoriseraient à loisir le recours à l’IVG. Ils auraient bien sûr trouvé le moyen d’inscrire la contraception dans la Constitution. Les protections périodiques seraient évidemment gratuites et les éminences les plus grises se targueraient d’un remède miracle pour ne pas avoir à endurer les souffrances menstruelles. D’ailleurs, cela va de soi, une loi gravée dans le marbre octroierait des congés payés aux salariés.

Il serait temps de songer à se réveiller. De ne plus se laisser conter la fable sexiste de la belle endormie ramenée à la vie et à la raison par un doux baiser. Celle qui promet une existence heureuse, à condition d’enfanter en nombre. Aucune fée ne se penchera sur les berceaux. Et il serait temps, surtout, que ces messieurs comprennent que leurs désirs ne sont pas des ordres.

Alexandra Parachini