Accueil | Editoriaux | Pauvre administration

Pauvre administration

Le récit fait le 29 avril par l’un des lanceurs d’alerte du scandale LuxLeaks sur la façon dont l’administration fiscale avait délégué une partie de son travail à PwC avait de quoi étonner. D’autant que cela s’était fait hors de tout contrat et reposait sur la seule confiance qu’un fonctionnaire, le préposé au bureau 6 d’imposition des sociétés, Marius Kohl, accordait à ses interlocuteurs de PwC, avec qui il négociait par ailleurs d’importants rescrits fiscaux.

Le fonctionnaire et sa secrétaire avaient abandonné des travaux de secrétariat et d’archivage à une société privée parce qu’ils n’étaient plus en mesure de les assurer, tant la tâche avait pris de l’ampleur au fil des ans. Marius Kohl a régné pendant des décennies sur les rulings à la «luxembourgeoise», seul maître à bord d’un bureau d’imposition qui assurait de considérables rentrées fiscales au pays. Sa probité ne semble pas en cause, ses anciens collègues décrivant un fonctionnaire intègre, ne ménageant jamais sa peine. C’est tout juste s’il acceptait une bouteille de champagne en guise d’étrennes. Rien de bien méchant et en tout cas pas l’ombre d’un enrichissement personnel. En proposant à l’administration ses services gracieusement, PwC, et sans doute d’autres cabinets du Big Four, s’est engouffré dans une brèche, au risque de prêter le flanc à des accusations de conflit d’intérêts ou pire encore.

Mais c’est avant tout l’attitude de l’administration qui laisse songeur : le business fiscal que proposait Marius Kohl aux multinationales était des plus juteux. En 2015, pourtant une année de reflux des rulings, l’administration des Contributions directes a engrangé près de cinq millions d’euros rien qu’en frais de traitement des dossiers. De quoi embaucher une cohorte de fonctionnaires à même de remplir toutes les tâches. Mais tel n’avait pas été le cas et c’est incompréhensible. À moins de considérer que cette administration ne devait pas être trop regardante sur les combines fiscales des multinationales et qu’il convenait que le moins de monde possible soit mis dans la confidence.

Fabien Grasser (fgrasser@lequotidien.lu)