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L’étoffe et le costume

Aux premiers jours de l’invasion russe de l’Ukraine, toutes les voix ou presque s’accordent à son sujet : Volodymyr Zelensky a l’étoffe d’un héros. Lui qui a refusé de sauter dans le fameux «taxi» américain pour demeurer auprès des siens et défendre sa terre brûlée de toutes parts. Le «serviteur du peuple» incarne alors à la perfection son personnage de la série télé du même nom. D’un bout à l’autre de la planète, on l’applaudit à s’en écorcher les mains lorsqu’il sonne les tragiques rappels de l’Histoire. Gainé dans ses vêtements kaki, le chef de guerre en impose.

Près de deux ans plus tard, la couleur est passée de mode. Et ses retentissants discours sont devenus inaudibles. Parce qu’il en demande finalement trop : trop d’armes, trop de milliards. Pour trop peu de retour sur investissement, dit-on tout bas dans les chancelleries. Les Ukrainiens s’enlisent dans leur contre-offensive, les résultats se font toujours attendre. Et l’on regarde désormais ailleurs. Les yeux du monde pleurent sur Gaza et ses souffrances. L’insoluble conflit israélo-palestinien occupe à plein temps l’agenda politique comme l’espace médiatique.

Zelensky, qui craignait la lassitude des opinions publiques, redoute l’abandon de la communauté internationale. Il tente de remobiliser les troupes dispersées derrière lui, de forcer les mains qui se font plus hésitantes que tendues. Le pied calé dans la porte «grande ouverte» de l’Union européenne, selon les mots de sa cheffe Ursula von der Leyen. Une invitation polie plus qu’une promesse d’adhésion.

Kiev a encore beaucoup à prouver, entre autres lutte contre la corruption et respect des valeurs démocratiques. Le chef de l’État a écarté la tenue des élections – législatives le mois dernier et présidentielles en mars prochain. Jusqu’à nouvel ordre. On peut certes comprendre la difficulté de convoquer les urnes dans un pays sous le régime de la loi martiale et vidé de plusieurs millions d’habitants. Mais la décision unilatérale n’a pas manqué de diviser parmi ses fidèles lieutenants, ni de faire sourciller les soutiens occidentaux. Le président en treillis n’a pas seulement laissé tomber le costume de la diplomatie, il semble aussi en oublier les principes.

Alexandra Parachini

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