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Le ventre vide

Nos sociétés dites développées savent cultiver les paradoxes. La surproduction effrénée n’a jamais eu l’appétit aussi grand, tandis que les braves gens crèvent la dalle. Sous couvert de l’inflation et des crises successives, les prix de l’alimentation enflent à exploser. Auparavant, les plus modestes devaient rogner sur les petits plaisirs de la vie pour espérer s’en sortir. Ils sont aujourd’hui soumis au régime sec, l’estomac noué. Contraints de sauter un repas de plus en plus fréquemment. De se priver du beurre dans les épinards, qui adoucit un quotidien toujours plus âpre. La tension monte encore d’un cran, il faut resserrer une ceinture déjà trop perforée. Et cela ne suffit pas.

Le salut ne peut même plus venir des armées de bonnes âmes qui se démènent. Il y a quelques semaines, en France, les Restos du cœur ont prévenu qu’ils devront refuser du monde dès novembre, pour la première fois de leur existence, n’étant pas en capacité de rassasier 1,3 million de ventres vides.

Au Luxembourg, la lutte contre la pauvreté est une priorité du nouveau gouvernement. Les promesses servies durant la campagne devront avoir de la consistance. La faim justifie les moyens à mettre sur la table. Car les mots ne pèsent pas bien lourd face à la réalité plombante. La Stëmm vun der Strooss constate une aggravation de la situation depuis un long moment.

«La classe moyenne grince aussi des dents», alerte la directrice, Alexandra Oxacelay. Ses équipes de bénévoles voient de près les «nouveaux pauvres» pousser chaque jour les portes des restaurants solidaires du pays. Parce qu’ils n’ont plus rien à se mettre sous ces dents qui grincent. Ils viennent y chercher un plat qui tient au corps en même temps que du réconfort. Leurs efforts ne paient pas assez. Ces travailleurs allongent la liste des bénéficiaires, déjà remplie de retraités aux maigres pensions, de femmes souvent seules à nourrir plusieurs bouches, d’étudiants bouffés par les frais de scolarité.

En moins d’une décennie, l’association a dû augmenter considérablement les quantités de l’aide distribuée. Et accueillir foule d’indigents. «Ça dit tout», résume Alexandra Oxacelay. Ça dit tout de la misère dans laquelle s’enfoncent nos sociétés.

Alexandra Parachini

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