Au petit jeu de la formule choc visant à décrire le nouveau président américain, c’est sans doute le philosophe français Michel Onfray qui a le mieux fait mouche. «Trump est la poupée gonflable du capital», a-t-il déclaré au lendemain de la victoire électorale du désormais président des États-Unis. La tournure résume la vulgarité du personnage et sa réelle motivation : celle d’un milliardaire grossier s’entourant d’autres milliardaires pour gouverner dans leur seul intérêt. Sa priorité annoncée de supprimer les lois de régulation financière et l’Obamacare l’illustre à merveille.
À contre-courant donc du discours d’inauguration qu’il a tenu vendredi à Washington pour son investiture. Comme il l’avait fait durant sa campagne, il a martelé qu’il rendrait sa prospérité et sa dignité à l’Amérique délaissée, celle des cols bleus sacrifiés sur l’autel de la mondialisation, celle de l’Amérique tout entière.
Lors de la campagne qui l’avait porté au pouvoir en 2009, Barack Obama avait lui-aussi dit sans ambiguïté qu’il avait pour mission première de redresser les États-Unis, alors frappés de plein fouet par la crise financière. Mais il y avait chez Obama autre chose. Il y avait des valeurs partagées, un idéal universel, la perspective d’un monde meilleur pour tous. Quels qu’en soient, huit ans plus tard, les résultats, il faut constater qu’il n’y a rien de tout cela dans le discours de Trump, pas même en creux. Pour lui, il n’y a que l’Amérique et ses citoyens qui vaillent. Une Amérique déresponsabilisée à l’égard du monde qui l’entoure. Ce changement de paradigme ne sera pas sans conséquences pour le reste d’une planète dont les États-Unis sont la puissance dominante.
La posture est résolument nationaliste. Elle est tout autant démagogique quand il dit que son investiture symbolise le transfert du pouvoir de l’élite au peuple. Chez Trump, l’appel au peuple est permanent et à ses yeux légitime d’ores et déjà toute son action à venir. Nul besoin d’être prophète pour deviner qu’avec lui le peuple sera prétexte à toutes les dérives. Transposée à l’Europe, l’alchimie des deux éléments que sont le nationalisme et la démagogie porte un nom : extrême droite. Il ne faudra ni le négliger ni le sous-estimer.
Vendredi, Trump nous a mis face à une réalité à laquelle personne ne voulait croire : celle de l’improbable accession au pouvoir d’un oligarque grossier, de la «poupée gonflable du capital».
Fabien Grasser