Accueil | Editoriaux | La peur du bide

La peur du bide

Du cheddar industriel en guise de fromage, du sucre jusque dans les soupes en brique, un rayon fruits et légumes pas plus large qu’un distributeur de soda, et des montagnes de pain de mie, ce dernier étant au pain ce qu’un crissement d’ongles sur un tableau est à la cornemuse : bref, nous sommes dans un supermarché irlandais.

C’est plein de couleurs, d’emballages et de slogans alléchants, mais gare au mal de bide. Surtout quand on a été un minimum biberonné à la bonne bouffe, cette cuisine familiale peut-être simple et modeste, mais fraîche et de saison. Cela paraît peut-être lointain, mais il y a quelques décennies, cette cuisine était encore la norme partout dans le monde, y compris au pays des tourtes, cakes, fruits de mer et ragoûts.

Puis l’Irlande a tourné le dos aux années noires, pour mieux avaler goulûment la misère aromatisée de la société de consommation. Quitte à s’empiffrer de pâté sous vide, avec trois coups de fourchette sur l’opercule avant enfournage dans le micro-onde. Aujourd’hui, l’Irlande est en passe de devenir la nation la plus obèse d’Europe. Si la tendance se poursuit, près de 90% des Irlandais seront en surpoids d’ici 15 ans ! Un phénomène qui touche toutes les couches de la population, et qui illustre cet étrange paradoxe moderne, qui veut que de plus en plus de pauvres sont en danger mortel d’obésité!

Or, comme vient de le montrer la revue médicale The Lancet, l’épidémie touche principalement les pays anglo-saxons (Royaume-Uni, Irlande, États-Unis, Australie, Canada et Nouvelle-Zélande), qui accueillent un cinquième des obèses dans le monde.

Ces pays ont en commun un autre défaut : leur modèle de repas n’est pas centré sur le plaisir alimentaire. Un plaisir qui va du jardin jusqu’à l’assiette, en passant par les fourneaux. Cela devrait pourtant être la base. Car facteurs génétiques et sociaux mis à part, le problème de l’obésité est avant tout dans l’assiette. Or à une époque où ces pays dictent la culture alimentaire de masse, il y a lieu de s’interroger sur la préservation de nos valeurs gastronomiques. Y compris ici, au Luxembourg, où l’obésité atteint désormais 15% de la population.

Romain Van Dyck (rvandyck@lequotidien.lu)

PUBLIER UN COMMENTAIRE

*

Votre adresse email ne sera pas publiée. Vos données sont recueillies conformément à la législation en vigueur sur la Protection des données personnelles. Pour en savoir sur notre politique de protection des données personnelles, cliquez-ici.