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La loi du blé

De beau matin, le chef du restaurant La Distillerie nous emmène cueillir des plantes comestibles dans les environs de Bourglinster. Alors que nous quittons la forêt luxuriante, nous nous arrêtons au bord d’un champ de blé, où la nature semble soudain bien plus fade et uniforme. «Ce champ-là, je n’y cueillerai pas, car si on ne voit pas de fleurs aux bords, c’est que les pesticides ne sont pas loin», prévient-il. L’été dernier, René Mathieu nous rappelait que si la nature luxembourgeoise est un supermarché à ciel ouvert, regorgeant de plantes sauvages délicieuses et oubliées, mieux vaut parfois éviter certains de ses rayons.

Car le Luxembourg, comme tant d’autres pays, a plongé la tête la première dans les pesticides dans l’après-guerre, émerveillé par les promesses de rendements de l’agriculture intensive carburant aux intrants chimiques.

Un demi-siècle plus tard, on réalise les limites de ce modèle agricole, qui a certes permis de remplir les silos. Mais à quel prix. Mercredi, l’État a présenté son programme de réduction des pesticides, poussé par «une attente des citoyens», mais aussi par l’évidente accumulation de preuves sur la dangerosité sanitaire et environnementale de ces produits.

L’agriculture est à un tournant. Car l’Europe ne fait plus de culture, elle gère de la «pathologie végétale» : «Nous essayons de maintenir vivantes des plantes qui ne demandent qu’à mourir tellement elles sont malades», témoigne le microbiologiste des sols Claude Bourguignon dans le film français Alerte à Babylone. «L’agriculture, normalement, c’est cultiver des plantes saines. On ne mettait pas un pesticide en 1950 sur les blés en Europe. Il n’y avait pas un traitement fongique qui était appliqué. Maintenant, c’est au moins 3 à 4, sinon le blé est pourri avant d’arriver dans le silo.»

Le sol abrite la majorité de la biomasse vivante. Mais les mauvaises pratiques agricoles, comme le labour profond et l’abus d’intrants chimiques sont en train de tuer tout ce qui rend nos plantes saines et nutritives. Jusqu’à quand, interroge Claude Bourguignon : «Pour le moment, on a détruit 90 % de notre biodiversité en Europe. Est-ce que c’est à 95 % que le système va lâcher ?»

Romain Van Dyck (rvandyck@lequotidien.lu)

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