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La guerre de l’attention

Exercer le métier de journaliste, de nos jours, signifie la plupart du temps avoir intégré, d’une manière ou d’une autre, la notion de «crise» qui caractérise le secteur des médias, ébranlé par l’atomisation de l’information sur internet, la terreur des algorithmes et le glissement de manière générale de l’attention vers le virtuel, vers ce qui attire l’œil et endort la cervelle, autrement dit (ne nous cachons rien) vers le plus spectaculaire (et vendeur), fut-il un mensonge.

Pourquoi pas d’ailleurs ? Les humains, de tout temps, ont cherché la transgression et l’extase, qui les aideraient à sortir pour un court instant de la morne condition qui était la leur, et ce particulièrement à ces époques de l’histoire où la liberté de penser et de vivre était le moins garantie. Dans l’imaginaire du prisonnier, la liberté devient aussi monstrueuse que son contraire. Voilà en quoi consiste sa misère.

Aujourd’hui, la transgression est pour ainsi dire à portée de main, et tant mieux : elle nous soulage du poids qui pèse sur nos vies, sans en rajouter, contrairement aux époques précédentes, et l’humanité, du moins dans nos sociétés occidentales, ne cache plus de quoi elle est faite : d’ombre et de lumière. En ce sens, il faut parler de progrès.

En même temps, la confusion est à son comble et la liberté plus difficile à atteindre que jamais. Le journaliste, pas plus que tout autre, n’y échappe pas; il serait prétentieux d’affirmer le contraire. Sa mission, comme celle de tous les éclaireurs, ne peut donc consister à résister à l’inéluctable, mais à accompagner le bouleversement dans l’attention qu’il constate – cette tendance au spectaculaire – en s’en servant pour la détourner à sa propre fin, et d’apporter un peu de lumière dans les ténèbres, un sens d’orientation au milieu de la forêt des images.

C’est donc dans une véritable guerre de l’attention qu’il se trouve engagé. Contre lui-même. Contre les forces obscurantistes. Contre ceux également qui croient que cette guerre est perdue d’avance et qui décident de nager dans le sens du courant.

Frédéric Braun

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