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Grosse fatigue

Courir les bals et les bars le week-end, la flemme. Se faire une toile entre copains, la flemme. S’activer aux fourneaux pour mettre les petits plats dans les grands, la flemme. Retourner au boulot le lundi matin, la flemme. Écrire ces quelques lignes un dimanche soir…

Amis fatigués de tout et motivés par rien, nous ne sommes pas seuls dans l’univers aussi usant qu’impitoyable. La très sérieuse Fondation Jean-Jaurès a récemment pris le pouls de nos sociétés malades. Le centre de réflexion français pose un diagnostic sans appel : un citoyen sur trois a contracté le virus de la flemme. L’heure est plutôt grave, docteur. Aux folles soirées mondaines, nombreux sont ceux qui préfèrent le moelleux du canapé, la chaleur d’un plaid et la douceur d’une infusion réconfortante devant Netflix. Même plus besoin de sortir pour se remplir la panse, deux ou trois clics sur nos téléphones et le repas encore fumant arrive. À condition de ne pas être trop regardant sur ce qui entoure le travail de ces livreurs exploités par des plateformes dont le credo est de nous simplifier la vie, pas la leur.

Un coup de mou généralisé depuis la pandémie et ses confinements, bien sûr. Jusque-là, nous étions des hamsters condamnés à faire tourner une roue infernale. Puis, nous avons fait un pas, certes forcé, de côté. Et constaté que le monde ne s’est pas arrêté pour autant, même au ralenti. Le covid n’est toutefois pas la seule explication. L’envie d’avoir envie au degré zéro, ressenti -10, n’est plus là depuis un moment. Selon l’étude de la Fondation Jean-Jaurès, la vague d’attentats qui a frappé l’Europe a contribué au désir de s’enfermer dans un cocon rassurant. Et les crises qui s’enchaînent – sociale, climatique, énergétique – ajoutent à l’ambiance anxiogène qui pousse à se réfugier dans une bulle.

Autre source d’inquiétude, la perte de sens au niveau professionnel. Le phénomène de «démission silencieuse», né aux États-Unis, contamine désormais nos contrées. C’est particulièrement vrai pour nous autres frontaliers du Grand-Duché, coincés dans nos voitures et entassés dans les trains bondés. Grosse fatigue, dont les gouvernements et patrons peinent encore à prendre la mesure. Peut-être par flemme, eux aussi.

Alexandra Parachini

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