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Hypocrisie mortelle

La justice indonésienne a rejeté, hier, le recours de deux Australiens condamnés à mort pour trafic de drogue, ouvrant la voie à leurs exécutions.

Elles suivraient celles de cinq autres étrangers, fusillés le 18 janvier pour le même motif. Depuis son accession au pouvoir, en octobre 2014, le président Joko Widodo est résolu à voir la peine capitale appliquée aussi bien aux Indonésiens qu’aux étrangers, manière de signifier que tout le monde est logé à la même enseigne.

Loin d’être contingente, la question de la culpabilité ou non de ces condamnés en appelle une autre, plus universelle : celle du maintien de la peine capitale qui recule depuis 20 ans. De 41 pays l’appliquant en 1995, on est passé à 22 en 2014, selon le rapport annuel sur la peine de mort, publié le 31 mars par Amnesty International.

L’organisation y fait parallèlement le triste constat d’une hausse de 28% des condamnations à mort en 2014 par rapport à 2013, mais note que le nombre d’exécutions a baissé. Ces chiffres n’incluent cependant pas la Chine, où des milliers d’exécutions seraient pratiquées chaque année, soit plus que dans tous les autres pays réunis.

Pour les nations d’Europe occidentale, le combat contre la peine de mort est officiellement une priorité, le principe de l’abolition ayant été institué en valeur fondamentale. Ainsi, Jean Asselborn, ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, a-t-il interpelé ces derniers mois, les Iraniens et les Égyptiens à ce sujet, fidèle à l’appel contre la peine de mort qu’il a signé en 2013 avec 41 de ses homologues européens. « Une justice qui tue n’en est pas une », proclame ce document.

Affirmation de pure forme car aucun de ces signataires n’aura l’audace de répéter cette vérité à la Chine ou aux États-Unis qui occupent la 5e place mondiale pour le nombre d’exécutions. Les intérêts géopolitique et économique sont trop importants. L’enthousiasme officiel pour l’établissement de banques chinoises au Luxembourg le montre bien. Hypocrisie mortelle du discours face à une réalité instaurant le profit en cause suprême, loin devant les Droits de l’Homme.

Fabien Grasser (fgrasser@lequotidien.lu)

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