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Editorial – Gemalto, j’écoute !

À quel moment une conversation privée doit-elle devenir publique ?

Des lois encadrent normalement le respect de la vie privée dans les démocraties. Mais de nombreuses affaires d’écoutes sauvages massives ont fait polémique ces dernières années, sans toutefois que ni les autorités ni les citoyens ne parviennent à trancher : faut-il sacraliser le caractère privé des conversations au risque de passer à côté de discussions donnant des indications sur des agissements terroristes ou faut-il écouter tout le monde tout le temps sous prétexte que la sécurité nationale est en jeu ?

Les cartes se sont encore un peu plus brouillées, la semaine dernière. Le concept même d’écoute téléphonique semble dépassé puisque des agences gouvernementales, américaine et britannique, sont passées à un stade supérieur en piratant carrément les cartes SIM produites par l’entreprise Gemalto, le leader mondial en la matière. Il y a donc fort à parier que nos cartes SIM ont fait partie du lot.

Ni Gemalto ni aucune association de protection des consommateurs ou aucun opérateur n’a porté plainte. Symptôme de notre époque troublée : beaucoup pensent que si l’on n’a rien à se reprocher, alors on ne peut pas s’opposer à des pratiques qui ont pour but de protéger tout le monde… C’est sans doute ce qui pousse les États-Unis à s’opposer aux projets de Google ou Apple qui veulent rendre inviolables – y compris par elles-mêmes – les GSM de personnes privées.

La transparence à tout prix est loin d’être la solution, elle peut aussi être la source du problème. Et lorsqu’on ne sait pas ce qui est répréhensible ou quels sont les projets de tous les États qui auront accès à vos conversations, les choses s’enveniment.

Entre la posture libertaire ou liberticide, il existe normalement une voie moyenne garantie par les lois. Mais quand les États bafouent ces dernières, il paraît difficile de demander aux citoyens et même aux hackers de s’y plier. La méfiance généralisée pousse déjà les firmes à offrir à leurs clients des systèmes de cryptage toujours plus sophistiqués. Il est urgent de lancer une réflexion généralisée avant que la défiance vis-à-vis des institutions ne devienne inévitable.

De notre journaliste Delphine Dard


> Écrire à notre journaliste : ddard@lequotidien.lu

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