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Déni de réalité

En tant que politiciens, (…) nous ne sommes pas là pour décrire le monde et le trouver catastrophique. Il y a des sociologues et des journalistes pour cela», a déclaré Angela Merkel, dimanche, sur la chaîne allemande ARD. Elle répondait ainsi au ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn, qui avait estimé quelques jours plus tôt que l’UE n’avait «plus de ligne commune» en matière de politique migratoire, faisant planer ainsi le risque d’une «anarchie» en Europe.

La réaction de la chancelière est pour le moins déconcertante. Les politiciens ne devraient-ils pas se confronter au réel? Bien sûr que si, avec en parallèle la volonté de le modifier – en mieux, si possible, et dans l’intérêt général. Il faut bien l’avouer, par ses déclarations, Jean Asselborn n’a fait que révéler des vérités de La Palice. Angela Merkel est là en plein déni de réalité. Il n’y a aucune unité sur la façon d’accueillir – ou de ne pas accueillir – les réfugiés en Europe. Chaque jour apporte son lot de décisions unilatérales de la part des États membres de l’UE.

«Je n’ai pas de plan B», a également affirmé la chancelière lors de cette interview. Pour elle, une solution européenne à cette crise est ce qu’il y a de plus «rationnel». Elle a tout à fait raison. Coincer les réfugiés en Grèce pourrait arranger de nombreux États. Mais cela ne représente qu’une vision à très court terme. Parce qu’au-delà des aspects humanitaires et moraux, ces réfugiés trouveront assez vite une nouvelle route, par exemple par l’Albanie, comme en ont fait état les autorités de Tirana la semaine dernière.

La solution européenne n’est pour l’instant qu’une vue de l’esprit. Il aurait fallu, pour modifier le réel actuel, posséder un sens de l’histoire et savoir anticiper les événements, ce qui fait défaut chez la plupart des politiciens européens. Désormais, chaque État voit midi à sa porte. On peut accuser l’Autriche d’être la grande méchante à l’origine de la situation actuelle en Grèce. Mais en 2015, le réel nous dit qu’elle a accueilli 90 000 demandeurs d’asile, soit 1 % de sa population. Le Luxembourg serait-il prêt à en accueillir 5 500 en une année? Et la Belgique, 110 000? La France, 650 000…

Nicolas Klein (nklein@lequotidien.lu)

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