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Contre nature

La main européenne tremble systématiquement au moment de prendre des décisions vertueuses en matière d’écologie. Cette semaine, le Parlement a certes voté en faveur d’une réduction considérable des pesticides sur les territoires des États membres d’ici à 2030. Et l’on peut bien sûr se réjouir du fait que les élus soient tombés d’accord pour bannir le bisphénol A et les polluants «éternels» des emballages alimentaires.

Difficile, toutefois, d’applaudir à tout rompre et de ne pas voir le verre à moitié vide. Nos représentants n’ont en effet pas réussi à s’accorder sur une interdiction totale du glyphosate. Or, la Commission hors sol entend de nouveau trancher l’épineuse question en novembre, en vue d’une réautorisation de la substance controversée pour dix ans. Quasiment vingt-sept avis contraires à orienter sur une planète complètement déboussolée. Autant dire que le mauvais tour est déjà joué.

Le désherbant est pourtant classé comme «cancérigène probable» par l’Organisation mondiale de la santé. Si le lien de cause à effet n’est pas clairement établi, le principe de précaution doit tout de même s’appliquer. C’est ce qu’a rappelé l’eurodéputée déi gréng Tilly Metz dans une réaction amère. La Luxembourgeoise y déplore également les petits arrangements des centristes «avec la droite et l’extrême droite». Et avec le blanc-seing de la gauche. Des alliances de circonstance, contre nature, pour mieux servir docilement les intérêts des puissants industriels. Le courage et la volonté politique se décomposent toujours dans le terreau du profit, fertilisé par l’engrais d’un libéralisme décomplexé. Histoire, par ailleurs, de caresser le monde agricole traditionnel dans le sens du poil. Quitte à hérisser davantage les opinions publiques écœurées.

Le poison lent pourra continuer de couler dans nos champs et dans nos veines. Car si les élites du Vieux Continent ont ainsi choisi de fouler au pied la cause environnementale, estimant de facto que l’urgence climatique peut attendre, elles prennent éhontément la liberté de s’amuser avec la santé de près de 750 millions de consommateurs. La main citoyenne ne devra pas trembler au moment de glisser son bulletin dans l’urne, en juin prochain.

Alexandra Parachini