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[Littérature] Le dernier tour de piste de David Lodge


(Photo : joel kaplan)

Comment s’y prendre? La question est là, immense. Oui, comment s’y prendre quand, auteur, on se lance dans l’écriture de son autobiographie?

Certains (nombreux, même) n’hésitent pas à pratiquer l’imposture et à s’inventer des légendes, le plus souvent invérifiables. Quelques autres, autrement plus fréquentables, s’enveloppent du vêtement de la modestie – en y ajoutant distance et humour. Ces temps-ci, le meilleur exemple du genre nous vient de Grande-Bretagne avec Réussir, plus ou moins, le troisième et dernier volet de l’autobiographie de l’immense David Lodge, auteur de romans (Thérapie, La Vie en sourdine), de biographies romanesques (Un homme de tempérament), de nouvelles, de théâtre (La Vérité toute nue), d’essais sur l’histoire et la théorie de la littérature…

Dès les premières lignes de Réussir, plus ou moins, délicieux ouvrage en forme de bouquet final pour un formidable tour de prestidigitation, l’auteur de 88 ans pose le problème : «Les mots « réussite » et « réussir », généralement mesurés à l’aune des ventes, de l’audimat, des recensions, des prix et des récompenses littéraires, sont assez fréquents dans les pages de mes mémoires (…) J’ai conscience qu’on trouvera peut-être que je me vante et que j’obéis à des considérations intéressées, mais c’est la seule façon honnête, pour un écrivain professionnel, de décrire ses motivations lorsqu’il se livre à l’introspection. Il est rare qu’on écrive un roman ou une pièce exclusivement pour son propre plaisir. Un roman a besoin d’un lecteur.»

Avec humour et modestie, David Lodge déroule la période de sa vie où il a connu les grands succès critiques et publics à travers le monde

Ainsi, dans ce troisième volet qui court de 1992 à 2020, après Né au bon moment (de l’enfance à la première publication, paru en 2016) et La Chance de l’écrivain (les premières années de la consécration, paru en 2018), David Lodge parcourt la période de sa vie où, à partir de la cinquantaine, il a connu les grands succès critiques et publics à travers le monde. Toujours avec des textes emplis de modestie et d’humour. Ainsi, dans Réussir, plus ou moins, on lit : «J’ai eu une nouvelle idée pour ce roman (…), pour le rendre plus personnel et autobiographique, en explorant, sur le mode comique autant que possible, cette névrose personnelle avec laquelle je me débats maintenant depuis des années et que je n’ai jamais vraiment abordée dans la fiction, je veux dire ma tendance à tomber dans des états dépressifs et anxieux, en particulier lorsqu’il s’agit de décisions : soit je suis incapable de choisir, soit je regrette ma décision une fois qu’elle est irrévocable – pour découvrir avec étonnement que je change à nouveau d’avis lorsque je suis face au résultat.»

Alors, on se laisse embarquer par les mots d’une vie. Celle de David Lodge. Surtout, ne pas attendre du crapoteux, ce n’est pas le genre de la maison. Ne pas penser lire des combines chères aux imposteurs de la chose écrite, aux «avida dollars» de l’édition qui s’étalent en tête de gondole dans les grandes surfaces de la bouillie culturelle. La fabrique des légendes, très peu pour Lodge. «Le « succès » et « l’échec » sont l’un et l’autre des concepts imprécis que chacun, avec ses prédilections et ses préjugés personnels, appliquera de façon individuelle dans le domaine de l’art», écrit-il. Au cours des trois dernières décennies, celles qu’il raconte ici, il a poli son ouvrage, cherchant inlassablement de nouvelles formes d’écriture. Y a-t-il réussi? «Plus ou moins», répond-il avec humour et modestie…

David Lodge – « Réussir, plus ou moins »

Rivages

 

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