En mai dernier, nous célébrions la naissance du premier millésime reconnu par l’appellation d’origine protégée (AOP) Moselle Luxembourgeoise. Une AOP, espère-t-on, qui permettra de tirer vers le haut la production vinicole, puisqu’elle valorisera les vins les plus typiques et les plus racés.
Protéger et valoriser un terroir, un savoir-faire : à moins d’être un mordu de la production industrielle standardisée (bref, d’avoir littéralement des goûts de merde), on ne peut que soutenir le principe de ces appellations, non?
Pourtant, ces AOP sont menacées par un accord aussi écœurant qu’un camembert en tube. TTIP, Tafta, GMT… Derrière ces emballages indigestes se cache en effet l’accord de libre-échange négocié par les États-Unis et l’Union européenne, et dont la recette ressemble un peu à celle d’un célèbre soda : secrète et corrosive. Secrète car ces négociations sont aussi transparentes que ce soda. Et corrosive, car avec autant d’efficacité que ce dernier attaque la rouille, l’accord vise à dissoudre les législations nationales, pour mieux régaler les multinationales. Prenons un exemple : le fromage. Actuellement, le roquefort français, le gorgonzola italien ou la feta grecque sont des appellations protégées. Déjà menacées par les géants de l’industrie laitière en Europe, voilà maintenant qu’elles devraient se prostituer auprès du gros producteur du Wisconsin, qui rêve de vendre des tonnes de comté aux Chinois.
Les États-Unis tentent en effet de contourner ces appellations via un accord de libre-échange. Selon le site d’information Politico, Washington fait actuellement pression sur l’Australie et sur la Nouvelle-Zélande pour insérer dans l’accord transpacifique actuellement négocié une disposition leur permettant de «rejeter les restrictions de l’Union européenne si les appellations peuvent être confondues avec des noms communs».
Inonder le marché avec des produits insipides, grâce à des appellations dénaturées : la mondialisation a décidément, en effet, un goût de merde. Face à cette tambouille à la sauce ultralibérale, il ne faut pas s’étonner si un vilain mot prend de l’ampleur : protectionnisme.
Romain Van Dyck (rvandyck@lequotidien.lu)