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SwissLeaks : 222 clients au Luxembourg


La filiale suisse de la banque HSBC était hier au centre d’un vaste scandale après que plusieurs journaux ont assuré qu’elle avait aidé des clients à cacher des milliards de dollars pour leur éviter de payer des impôts.

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Le journal Le Monde a eu accès, par un informateur secret en janvier 2014, à des centaines de milliers de données à déchiffrer, fournissant des informations sur plus de 106 000 clients originaires d’environ 200 pays de la filiale suisse d’HSBC. « Un soir, on a imprimé les fichiers. L’imprimante a explosé. On cumulait les centaines de pages », a raconté Fabrice Lhomme, l’un des deux journalistes d’investigation du Monde ayant travaillé sur ce dossier. « Submergé » par ce flot, le quotidien a collaboré avec un réseau mondial de quelque 150 journalistes via un « forum crypté » pour percer à jour le système d’évasion fiscale orchestré par HSBC Suisse.

Concrètement, selon Le Monde, entre le 9 novembre 2006 et le 31 mars 2007, quelque 180,6 milliards d’euros ont transité sur des comptes d’HSBC à Genève, dissimulés, entre autres, derrière des structures offshore au Panama et dans les îles Vierges britanniques. Les fichiers contiennent des informations personnelles sur les clients, les notes des banquiers, et les mouvements de compte.

À la suite de ces publications, des voix se sont élevées en Suisse pour réclamer des poursuites contre HSBC Suisse, jusqu’ici épargnée dans ce pays, alors que des enquêtes sont déjà ouvertes en Belgique et en France. « Je suis très fâchée » et « l’ouverture d’une enquête serait la moindre des choses », a déclaré, hier, Micheline Calmy-Rey, ancienne ministre socialiste du gouvernement suisse, d’après laquelle l’image de son pays a été sérieusement ternie par cette affaire.

En Belgique, un juge d’instruction qui avait inculpé HSBC Private Bank en novembre pour « fraude fiscale grave et blanchiment » a envisagé d' »émettre des mandats d’arrêt internationaux » contre ses dirigeants, estimant qu’il était « à présent temps pour la banque de collaborer ».

De son côté, la banque HSBC Suisse a affirmé que ces pratiques appartenaient « au passé ». « Depuis 2008, HSBC a radicalement modifié sa stratégie », a-t-elle ajouté, reconnaissant avoir eu des « manquements » dans le passé. Dans ces fichiers, figurent les noms de Saoudiens, soupçonnés d’avoir financé Oussama Ben Laden dans les années 2000, de barons de la drogue, de trafiquants d’armes et de diamantaires véreux.

> Personnalités et politiques concernés

Selon HSBC Suisse, une nouvelle direction, mise en place après l’affaire du vol de données en 2007, « a procédé à un examen en profondeur des affaires, ce qui inclut des fermetures de comptes de clients qui ne correspondaient pas aux normes élevées de la banque, et la mise en place d’un système très poussé de contrôle interne. »

« Ces révélations concernant des pratiques du passé doivent rappeler que ce vieux modèle d’affaires de la banque privée suisse n’est plus acceptable », a conclu la banque. Elle a ainsi fait le ménage dans sa clientèle, qui a subi une sévère cure d’amaigrissement, se réduisant de 70 % depuis 2007, tandis que les comptes gérés ne sont plus que 10 000, contre 30 000 il y a huit ans. Les avoirs gérés par la banque ont aussi fondu, passant de 118 milliards de dollars à 68 milliards fin 2014.

Les noms des clients indiqués hier dans la presse sont notamment ceux de vedettes du show-business, et de chefs d’entreprise ou de leurs héritiers. Ces noms n’étaient connus jusqu’à présent que par la justice et quelques administrations fiscales, même si certains éléments avaient déjà filtré dans les médias. En France, l’humoriste Gad Elmaleh est cité, pour avoir disposé d’un compte faiblement approvisionné à Genève, avec un peu plus de 80 000 euros entre 2006 et 2007. Selon les informations du Monde, il a régularisé sa situation auprès du fisc français.

Parmi les noms mentionnés dans les différents médias figurent notamment ceux des rois du Maroc, Mohammed VI, et de Jordanie, Abdallah II.

Le journal suisse Le Temps met l’accent sur les personnalités politiquement exposées, évoquant entre autres Rami Makhlouf, cousin du président syrien Bachar al-Assad.

« HSBC Private Bank a continué d’offrir des services à des clients qui avaient été cités défavorablement par les Nations unies, dans des documents légaux et dans les médias pour leurs liens avec le trafic d’armes, les diamants de guerre ou la corruption », fustige de son côté le Consortium des journalistes d’investigation (ICIJ).

Le secret bancaire en Suisse s’est réduit comme peau de chagrin ces dernières années, la pression sur les banques helvétiques s’étant fortement accrue, avec l’intensification par de nombreux gouvernements de la chasse à l’évasion fiscale.

Hier et aujourd’hui, une réunion du G20 a lieu à Istanbul où se retrouvent des ministres des Finances et des dirigeants de banques centrales. Le G20 a fait de la lutte contre l’évasion et l’optimisation fiscales un de ses chevaux de batailles.

Le Quotidien (avec AFP)

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> Le Luxembourg aussi

HSBC-AFP

L’ICIJ a mis en ligne des statistiques sur les comptes luxembourgeois de la HSBC. (Photos : AFP)

Sans surprise, le Luxembourg n’échappe pas à la fuite des capitaux de ses administrés vers les alpages suisses. Selon le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), 562 comptes en banques auraient été ouverts chez HSBC par des résidents ou des entreprises luxembourgeoises.

Le montant total des placements s’élève à 2,9 milliards d’euros répartis sur les comptes de 222 clients, dont 27 % possèdent un passeport luxembourgeois. Un client se serait connecté depuis le Luxembourg avec des fonds équivalant à 1,4 milliard d’euros. Son identité est inconnue.

En analysant les données, on constate que le Luxembourg est classé 24e en montant global des placements (2,9 milliards d’euros) alors qu’il n’est que 61e en nombre de clients (222). Cela signifie que les placements effectués par des résidents luxembourgeois sont parmi les plus importants.

> Le LSAP veut en savoir plus

Mais aucun nom de client luxembourgeois n’a été publié par l’ICIJ parmi les 61 personnalités mises en cause. Il n’y aura pas d’autre révélation selon l’ICIJ, qui a choisi de ne révéler les noms que dans le cas où ceux-ci auraient un intérêt pour le public. Les autres ne verront pas leurs petits arrangements étalés sur la place publique.

Cela n’a pas empêché le député LSAP Alex Bodry de poser plusieurs questions au ministre des Finances, Pierre Gramegna. L’élu aimerait savoir si le Grand-Duché s’est vu proposer les données en possession des autorités françaises. Si les informations de l’ICIJ sont déjà connues, Alex Bodry souhaite connaître les mesures qui ont été mises en place par l’administration. Dans le cas contraire, il demande si l’administration a l’intention de se procurer la liste des fraudeurs et d’agir en conséquence.

Dans l’attente des réponses du ministre, qui s’exprime en commission, ce matin, à propos d’une autre affaire, LuxLeaks, l’administration des Contributions directes se retranche derrière le secret fiscal.

Comme après l’affaire LuxLeaks, les autorités devraient gagner du temps afin de laisser passer l’orage. Car si la transparence est le maître mot du gouvernement Bettel, et que SwissLeaks révèle des fraudes datant d’une autre époque, le Luxembourg ne va pas mettre en danger sa relation de confiance avec les investisseurs étrangers.

Et quand bien même le Luxembourg déciderait de se pencher sur le dossier, la question de l’origine des noms, issus d’une liste volée par un ancien employé de la HSBC, pourrait poser problème devant la juridiction compétente. Autant dire que SwissLeaks inquiète avant tout ceux dont l’image est écornée.

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