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Sidérurgie à Dudelange : « On aurait préféré quelqu’un du métier »


Jean-Claude Bernardini, responsable de l'OGBL, livre une vision sans naïveté des enjeux économiques du site de Dudelange (Photo : Isabella Finzi).

Jean-Claude Bernardini, secrétaire central du syndicat Sidérurgie et Mines de l’OGBL, ne cache pas son inquiétude sur le flou autour du projet de Liberty House pour le site sidérurgique de Dudelange.

Quel est l’état d’esprit des ouvriers depuis qu’ArcelorMittal semble avoir trouvé un repreneur pour son usine à Dudelange ?
Jean-Claude Bernardini : En premier lieu, les gens ont eu un peu de mal. Il fallait se faire à l’idée d’être vendu, une situation qui pose naturellement une série de questions. Puis il ne faut pas non plus négliger l’aspect affectif et la peur de l’inconnu, même si d’un autre côté certains pensent qu’ils ne peuvent pas être plus mal lotis que maintenant.
Donc, l’arrivée de Liberty House, le repreneur déclaré, est vue comme une bonne nouvelle…
Ce n’est pas aussi simple que cela. Il faut bien comprendre que racheter un site de production sidérurgique n’est pas aussi facile que de reprendre le commerce du coin.

« Les rencontres avec Liberty House n’ont pas dissipé nos interrogations »

Quelles sont les inquiétudes de l’OGBL concernant cette reprise ?
Il faut avant toute chose rappeler que l’OGBL est majoritaire à Dudelange et que nous avons pu rencontrer Liberty House à deux occasions. Deux rencontres qui n’ont pas dissipé nos interrogations et nos inquiétudes. Nous ne connaissons pas ce repreneur au Luxembourg et sur le plan industriel Liberty House pose quelques questions, tant au niveau de l’avenir du site dudelangeois qu’au niveau de son approvisionnement, en passant par son futur fonctionnement ou encore les investissements à réaliser ou non. Plus globalement, nous demandons à voir un plan stratégique et industriel pour savoir où l’on va, car aujourd’hui toutes les inquiétudes sont encore sur la table.
La question de l’approvisionnement revient régulièrement depuis l’annonce de la mise en vente du site dudelangeois. Pouvez-vous expliquer l’importance de cet aspect pour une usine comme celle de Dudelange ?
Dudelange est un site qui reçoit des demi-produits qui sont ensuite transformés en produits finis à destination de l’industrie automobile. Donc, la question de l’approvisionnement est cruciale pour la viabilité du site. Pour faire simple, des brames (des blocs d’acier) venant de Dunkerque arrivent à Florange où elles sont transformées en coils, des bobines d’acier que l’on peut parfois voir sur les trains ou les camions. Puis les coils sont envoyés à Dudelange pour être transformés en produits finis à destination de l’industrie automobile. Donc, actuellement, intégré à ArcelorMittal, le site dudelangeois fonctionne bien, notamment avec des distances entre les usines relativement courtes. Et puis à Dudelange, on fabrique, uniquement pour ArcelorMittal, un produit qui s’appelle Usibor, un acier développé et déposé par ArcelorMittal à destination de l’industrie automobile.
Un schéma logistique qui va sans doute changer avec l’arrivée de Liberty House ?
En tout cas, cela soulève un grand nombre d’interrogations. Liberty House a trouvé un accord avec ArcelorMittal pour reprendre plusieurs sites, notamment en Roumanie, en République tchèque, à Liège et ici à Dudelange. Donc on peut imaginer que les brames viendront de République tchèque, puis seront livrées à Liège pour en faire des coils, pour finalement arriver à Dudelange pour y être transformés en un produit fini. Mais encore une fois, cela pose de nombreuses questions sur le schéma logistique, sur les coûts du transport, le prix des différents matériaux, etc.
Liberty House n’a-t-il pas donné des explications sur ses intentions à venir ?
On sait que dans le préaccord entre ArcelorMittal et Liberty House il est stipulé que le produit Usibor sera encore produit à Dudelange pendant deux ans.

« Boîte de conserve, ce n’est plus du tout le même produit »

C’est plutôt une bonne nouvelle ?
Pour deux ans, oui. Mais que va-t-il se passer une fois les deux années écoulées ? ArcelorMittal va de toute façon garder sa marque Usibor, car il n’a pas l’intention de la donner ou de la vendre. Tout comme il ne semble pas vouloir continuer la production de ce produit à Dudelange dans la mesure où ArcelorMittal est en train d’investir à Florange dans des machines et des outils qui permettront à terme de produire l’Usibor qui est aujourd’hui produit à Dudelange. Donc on devine facilement que d’ici deux ans Dudelange est condamné.
Encore une fois, sur ce point, est-ce qu’il y a eu des garanties de la part de Liberty House ?
Pour le moment, on nous dit que le site de Dudelange produira par la suite des produits dits de commodité.
C’est-à-dire ?
Pour faire simple, c’est faire des boîtes d’emballage et des boîtes de conserve. Ce qui n’est donc plus du tout le même produit.
Faire des produits de commodité ou des produits pour l’automobile, finalement, quelle est la différence ?
Eh bien, là encore, le sujet soulève de nombreuses interrogations. Faire des produits de commodité sous-entend avoir d’autres machines et d’autres outils. Faut-il dès lors s’attendre à voir Liberty House investir à Dudelange ? Si oui, dans quel outil et dans quelle mesure ?

Entetien avec Jeremy Zabatta

Retrouvez l’interview du lundi dans son intégralité dans notre édition papier du jour.

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