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Joseph Stiglitz tacle la gauche européenne


Les sociaux-démocrates ont tous «soutenu les banques, la dérégulation et des accords commerciaux mauvais pour les salariés», selon Stiglitz. (photo AFP)

Le prix Nobel d’économie américain, Joseph Stiglitz, s’inquiète de voir la France subir une «forme d’intimidation» de l’Allemagne et exhorte la gauche, en Europe et aux États-Unis, à réagir contre la montée des inégalités.

«Il y a une forme d’intimidation», juge l’économiste américain, grande figure de la critique de l’austérité avec d’autres chercheurs tels que son compatriote Paul Krugman et le Français Thomas Piketty, à propos de l’influence allemande sur la politique économique suivie notamment par le président François Hollande.

Interrogé sur des déclarations de l’ancien ministre grec des Finances Yanis Varoufakis, selon lequel l’intransigeance allemande face à la Grèce a pour but d’effrayer la France et de la convaincre de suivre la voie de la rigueur, le très médiatique économiste américain répond : « Je le crois. »

« Le gouvernement de centre gauche en France n’a pas été capable de tenir tête à l’Allemagne », sur les orientations budgétaires ou face à la crise grecque, regrette l’ancien chef économiste de la Banque mondiale et conseiller du président américain Bill Clinton.

Une «politique de l’offre totalement discréditée»

Pour Stiglitz, en pleine promotion de l’édition en français de son dernier ouvrage sur les inégalités ( La Grande Fracture ), la France « est de toutes les nations du monde celle qui a le plus fortement embrassé le concept d’égalité », mais est désormais confrontée à un « vrai risque » de creusement des inégalités en raison de ses choix budgétaires.

Pour l’économiste, prix Nobel en 2001 avec deux autres chercheurs pour des travaux sur les imperfections des échanges d’informations sur les marchés, si la France affiche un important déficit public, elle n’en pratique pas moins une politique d’austérité en bridant les dépenses publiques.

Il critique également cette « idée vraiment stupide selon laquelle baisser les impôts sur les entreprises stimulerait l’économie », jugeant que cette « politique de l’offre » mise en œuvre par Ronald Reagan aux États-Unis dans les années 1980 est aujourd’hui « totalement discréditée ». « Ce n’est même plus un sujet de débat pour les économistes, seulement pour les Allemands et pour quelques personnes en France. » La baisse massive des charges et des impôts des entreprises est au cœur du Pacte de responsabilité et de solidarité mis en place par Hollande.

« Je ne comprends pas pourquoi l’Europe choisit cette voie aujourd’hui », commente Stiglitz, pour qui les élections en 2017 en France et en Allemagne sont peu susceptibles de changer la donne. L’universitaire dit cependant « espérer » un changement en Espagne, où des élections doivent se dérouler avant la fin de l’année, après plusieurs années de rigueur budgétaire, mais sur fond de redémarrage de l’économie. Une réussite en trompe-l’œil selon Stiglitz, qui souligne que le taux de chômage espagnol est toujours très élevé : « Le simple fait (que ce pays) survive est vu comme un succès. »

L’économiste ne cache pas sa déception face à la gauche au pouvoir ces dernières années, en Europe comme aux États-Unis. « Depuis 20 ans, les sociaux-démocrates manquent de confiance en eux. Que ce soit (Tony) Blair au Royaume-Uni, (Gerhard) Schröder en Allemagne, et vous pourriez ajouter (Barack) Obama aux États-Unis. Tous ont soutenu les banques, la dérégulation et des accords commerciaux mauvais pour les salariés », déplore-t-il.

«Pris en otage par les multinationales»

Si Obama a selon lui été « pris en otage par les grandes multinationales », Stiglitz veut croire que tout peut changer si un ou une candidat(e) démocrate l’emporte à la présidentielle américaine de 2016. « Tous les candidats du Parti démocrate vont dans le sens d’un programme (économique) progressiste. C’est une grande réussite. »

Interrogé sur la Chine, dont les soubresauts boursiers donnent des sueurs froides au monde entier, il appelle à ne pas « trop dramatiser ». « La bonne nouvelle est qu’il y a désormais une prise de conscience de la nécessité de réguler le marché financier » en Chine, note Sitglitz. Pour le reste, Pékin « a presque 4 000 milliards de dollars de réserves de change. Cela lui donne les moyens de soutenir la croissance », veut-il croire.

AFP

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