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Fiscalité : le Luxembourg échappe de peu à un blâme du Parlement européen


Le Parlement européen a rejeté de peu l'ajout du Luxembourg et de trois autres pays de l'UE à la liste noire des paradis fiscaux. (Photo: AFP)

L’initiative d’eurodéputés de tous bords qui voulaient placer le Luxembourg et trois autres pays de l’UE sur la liste noire des paradis fiscaux a été rejetée mercredi par le Parlement européen à Strasbourg. Les députés ont en revanche adopté le rapport de la commission PANA sur le blanchiment, l’évasion et la fraude fiscales.

Avec 277 voix pour et 277 voix contre, la proposition de députés européens d’ajouter quatre Etats membres à la liste noire des paradis fiscaux de l’UE a été rejetée de justesse mercredi à Strasbourg. Cette stricte égalité de voix bénéficie aux gouvernements du Luxembourg, des Pays-Bas, d’Irlande et de Malte dont on imagine qu’ils ont poussé un ouf de soulagement à l’annonce de ce résultat.

Mardi des députés européens socio-démocrates, écologistes, de gauche mais aussi de droite avaient annoncé vouloir ajouter ces quatre pays à la liste noire de 17 paradis fiscaux – pays ou juridictions – publiée le 5 décembre par la Commission européenne.

Sur la base des critères de la Commission, ces quatre Etats européens contreviennent au principe « d’équité fiscale » qui vaut à des pays extra-communautaires d’être vilipendé comme paradis fiscal par l’UE. Pour le Luxembourg, ce sont surtout les énormes rabais fiscaux illégaux accordés à des multinationales qui sont en cause, comme l’avait révélé le scandale LuxLeaks en 2014.

« Mettre de l’ordre » en Europe

« L’UE ne peut pas se contenter d’avoir des exigences vis-à-vis des pays tiers. Les pays européens doivent mettre de l’ordre chez eux », avait déclaré mardi Werner Langen, un eurodéputé conservateur allemand. Ce membre de la CDU d’Angela Merkel a présidé ces 18 derniers mois les investigations de la commission Pana du Parlement européen sur le blanchiment d’argent, l’évasion et la fraude fiscales. Cette commission avait été constituée en 2016 après la publication des « Panama Papers » mettant en évidence un système de sociétés offshore permettant à des particuliers et des entreprises de minimiser ou de s’affranchir de l’impôt. La commission Pana avait étendu ses enquêtes au scandale LuxLeaks.

C’est à l’occasion de la présentation du rapport final et des recommandations de la commission Pana qu’a eu lieu le vote de mercredi visant entre-autres le Luxembourg. Le rapport a été largement adopté par les parlementaires européens lors d’un scrutin différencié.

Des contrôles plus efficaces

Le rapport enjoint l’UE à combattre plus énergiquement l’évasion et la fraude fiscales, soulignant que cette lutte ne doit pas seulement s’appliquer à des paradis fiscaux éloignés mais aussi à son propre territoire. Les membres de la commission Pana demandent par ailleurs que les questions de fiscalité au sein de l’UE soient approuvées à la majorité des 28 Etats membres et non plus à l’unanimité comme c’est le cas actuellement. Cette modification empêcherait certains pays, à l’image du Luxembourg ou de l’Irlande, de bloquer systématiquement toute avancée significative dans la lutte contre la fraude fiscale.

Le rapport recommande la mise en œuvre d’une plus grande « volonté politique, d’une meilleure régulation et d’une application plus sévère des règlements et des contrôles » fiscaux dans l’UE. Lors d’auditions menées au Luxembourg en mars dernier, Werner Langen avait insisté sur le peu de moyens déployés par les autorités luxembourgeoises pour surveiller et lutter contre le blanchiment d’argent, l’évasion et la fraude fiscales.

Menace pour la cohésion sociale

Soulignant le « bon travail » mené par la commission Pana, l’eurodéputé vert luxembourgeois Claude Turmes a jugé mercredi dans un communiqué que les recommandations du rapport Pana « doivent maintenant être rapidement transposées en droit national par les Etats membres ». Il salue par ailleurs « la bonne direction prise par le Luxembourg » dans ce domaine, mais « regrette que cela ne soit pas encore le cas sur des questions majeures » en matière d’évasion et de fraude fiscales.

Plus mordant, son collègue député européen écologiste allemand Sven Giegold constate que « pendant des décennies, les gouvernements européens ont aidé les fraudeurs fiscaux » et couvert « des affaires criminelles violant le droit communautaire ». Le blanchiment et l’évasion fiscale « menace la cohésion sociale en Europe », affirme-t-il et appelle les 28 à adopter rapidement les recommandations du rapport Pana afin de mettre fin à ces dérives.

Fabien Grasser

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