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Droits humains : l’Allemagne met la pression sur ses entreprises


"Ceux qui font des profits au niveau mondial, doivent avoir une responsabilité globale", a affirmé le ministre du Travail Hubertus Heil (social-démocrate), à l'origine de la loi (photo d'archives : AFP).

L’Allemagne veut responsabiliser ses entreprises lorsque des violations des droits humains sont commises par leurs fournisseurs dans le monde entier et infligera de lourdes amendes si elles ne combattent pas ces abus avec fermeté, selon un projet de loi présenté mercredi.

Les groupes de la première économie européenne, à partir de mille salariés, auront désormais un devoir permanent de vigilance vis à vis de leurs filiales et sous-traitants à l’étranger. Les manquements pourront être sanctionnés par des amendes entre « 100.000 et 800.000 euros », selon le texte consulté par l’AFP.

Les sanctions pourront même atteindre « 2% du chiffre d’affaires annuel » pour les groupes pesant plus de 400 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Une autorité, placée sous l’égide du ministère de l’Economie, pourra interdire l’accès aux marchés publics pendant un maximum de trois ans aux groupes ne respectant pas la loi.

« Ceux qui font des profits au niveau mondial, doivent avoir une responsabilité globale », a affirmé le ministre du Travail Hubertus Heil (social-démocrate), à l’origine de la loi.

Les détails du texte ont été l’objet d’âpres négociations ces derniers mois avec son collègue du ministère de l’Economie, le conservateur Peter Altmaier, sceptique sur cette initiative vilipendée par les milieux d’affaires.

Les nouvelles règles devraient entrer en vigueur à partir du 1er janvier 2023 pour les entreprises de plus de 3.000 salariés et à partir du début de 2024 pour celles de plus de 1.000 salariés.

Ce devoir permanent de vigilance vaudra tant pour leurs propres sites de production que ceux de leurs fournisseurs.

Elles devront examiner les lacunes potentielles portées à leur connaissance, et prendre des mesures correctives, si ces manquements sont avérés.

Les ONG et syndicats pourront par ailleurs mener des actions devant les tribunaux allemands au nom des personnes victimes de ces abus.

Cela donnera aux salariés « du Congo ou du Bangladesh la possibilité de défendre leurs droits », s’est félicité le ministre du Travail.

Pas de « devoir de réussite »

La loi n’impose toutefois pas de « devoir de réussite » aux entreprises, mais une « obligation de moyens », et ne prévoit pas d’engager systématiquement leur responsabilité civile.

Cette possibilité, véritable chiffon rouge aux yeux des milieux économiques, a disparu du projet initial.

Ce renoncement a été vivement critiqué par les ONG en Allemagne, l’association écologiste Greenpeace parlant d’une « solution minimale » dans un communiqué de presse.

Le lobby de l’automobile, particulièrement puissant en Allemagne, a de son coté déploré un projet occasionnant de « l »insécurité juridique » pour les entreprises.

« A l’avenir c’est clair : le +Made in Germany+ devra toujours prendre en compte le respect des droits humains », a prévenu le ministre des Finances Olaf Scholz, candidat du SPD (sociaux démocrates) à la succession d’Angela Merkel pour les législatives de cet automne.

Principes de l’ONU

Berlin affirme avoir voulu se conformer, avec cette loi, aux « principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme », adoptés en 2011 par l’ONU, afin de mettre fin aux abus.

Avant l’Allemagne, la France, en 2017, et les Pays Bas, en 2019, ont déjà adopté des lois similaires.

Mais le projet allemand est plus ambitieux : la loi française ne concerne que les entreprises de moins de 5.000 salariés, tandis que le texte néerlandais se cantonne au travail des enfants.

La Commission Européenne doit présenter dans les prochains mois son propre projet pour l’ensemble de l’UE.

Le sujet du respect des droits humains par les entreprises s’est imposé ces derniers mois dans le débat public européen.

En mars 2020, une ONG a révélé que plus de 80 grandes marques mondiales, se fournissaient dans des usines situées dans des camps chinois où sont internés des dizaines de milliers de membres de la minorité ouïghoure.

De nombreux groupes sont concernés, dont des entreprises allemandes, comme le chimiste BASF ou les constructeurs automobiles Volkswagen et Daimler.

Selon l’Organisation internationale du travail (OIT), 152 millions d’enfants dans le monde doivent travailler et 25 millions de personnes subissent le travail forcé.

AFP

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