La Commission européenne a ouvert jeudi une « enquête approfondie » contre l’équipementier sportif américain Nike, qu’elle soupçonne d’avoir bénéficié d’avantages fiscaux indus de la part des Pays-Bas.
Bruxelles a fait de la lutte contre l’évasion fiscale l’une de ses priorités et a déjà épinglé plusieurs multinationales, dont le cas le plus emblématique est sans aucun doute le géant Apple, dossier qui a donné lieu à la récupération par l’Irlande de 14,3 milliards d’euros d’arriérés d’impôts. Les Pays-Bas, souvent accusés d’accorder des avantages fiscaux à des multinationales, font partie des États européens plus particulièrement dans le viseur de la Commission : elle a ainsi ouvert une enquête le 18 décembre 2017 contre le suédois Ikea, numéro un de l’ameublement, et a sommé en octobre 2015 la chaîne américaine de café Starbucks de rendre au fisc néerlandais 25,7 millions d’euros.
Le cas de Nike, qui profiterait d’un « trou » dans la législation néerlandaise, avait été révélé en novembre 2017 par la presse dans le cadre des Paradise Papers. Concrètement, explique la Commission, l’enquête porte sur le traitement fiscal accordé à deux sociétés du groupe Nike basées aux Pays-Bas, en charge de développer, promouvoir et enregistrer les ventes des produits Nike et Converse en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique. Ces deux sociétés ont obtenu des licences d’utilisation de droits de propriété intellectuelle en échange de redevances payées à deux entités néerlandaises du groupe Nike actuellement non imposables aux Pays-Bas.
Entre 2006 et 2015, les autorités fiscales néerlandaises « ont émis cinq rescrits fiscaux, dont deux sont encore en vigueur », qui définissent la méthode de calcul de la redevance versée par les deux sociétés, Nike European Operations Netherlands et Converse Netherlands. « En conséquence de ces rescrits », les deux sociétés « ne sont imposées aux Pays-Bas que sur une marge d’exploitation limitée basée sur les ventes », explique la Commission. L’exécutif européen, chargé de faire respecter le droit de la concurrence dans l’UE, « craint que le montant des redevances avalisé par les rescrits ne reflète pas la réalité économique ».
Accusations « sans fondement », estime Nike
Le ministre adjoint des Finances néerlandais Menno Snel a indiqué que son gouvernement soutenait pleinement le travail de la Commission, ajoutant que les rescrits fiscaux « ne doivent pas laisser de place à un traitement préférentiel ». « Naturellement, les Pays-Bas coopéreront à l’enquête pour déterminer s’il est question d’une aide d’État », a-t-il ajouté dans un communiqué.
L’enquête doit déterminer si les rescrits fiscaux néerlandais « ont pu réduire indûment la base d’imposition de Nike European Operations Netherlands et Converse Netherlands ». Les Pays-Bas auraient alors accordé un « avantage sélectif » au groupe Nike, qui aurait ainsi bénéficié d’une aide illégale d’État, explique la Commission.
Un porte-parole de l’équipementier sportif américain a réfuté ces accusations. « Nike est soumise aux mêmes lois fiscales que les autres sociétés opérant aux Pays-Bas et s’assure rigoureusement qu’elle les respecte. Nous pensons que l’enquête de la Commission européenne est sans fondement », a écrit le porte-parole dans un mail.
La Commission européenne précise de son côté que l’ouverture d’une enquête est l’occasion pour les Pays-Bas et les tiers intéressés de faire part de leurs observations. « Elle ne préjuge en rien de l’issue », a-t-elle ajouté. Montré du doigt à plusieurs reprises, le gouvernement néerlandais avait annoncé le 27 novembre dernier un durcissement à partir de juillet 2019 des règles sur l’optimisation fiscale pour les entreprises étrangères domiciliées aux Pays-Bas, afin de décourager l’installation opportuniste de sociétés-écrans.
LQ/AFP