Le Luxembourg dispose d’un important arsenal de mesures fiscales et sociales pour accéder au logement. Le dispositif génère néanmoins un effet pervers en privilégiant les plus aisés. Explications.
Le ministre du Logement, Henri Kox, l’admet sans détour : «Nous étions aveugles sur l’impact de l’arsenal étatique pour aider la population à se loger». Une de ses priorités demeure donc d’améliorer la base de données afin de mieux cibler la large panoplie d’aides pour mettre en œuvre le droit au logement, inscrit dans la révision de la Constitution.
Le partenaire scientifique pour réaliser ce travail est l’Observatoire de l’habitat, qui collabore étroitement avec le Luxembourg Institute of Socio-Economic Research (LISER). Ce mardi 1er février a été dévoilée une nouvelle étude sur la situation du logement au Luxembourg.
Après s’être penchés notamment sur le potentiel foncier, le prix de vente des terrains à bâtir ou le logement abordable, les chercheurs du LISER ont évalué l’impact des mesures sociales et fiscales en matière de logement sur la situation de revenu des locataires et propriétaires.
Les principales conclusions suivent une certaine logique, mais font aussi état d’un effet pervers. Tout d’abord, il n’est pas trop étonnant de constater que les ménages les plus aisés accèdent plus facilement à la propriété.
Par contre, il s’avère que le Grand-Duché suit la tendance observée dans bon nombre de pays européens : les systèmes de taxation et les mesures sociales ont tendance à favoriser les propriétaires par rapport aux locataires, alors que ce sont ces derniers qui auraient besoin d’un soutien plus important. En effet, les ménages contraints de louer un logement sont issus des couches sociales les moins aisées.
85 % des ménages touchent une aide
La note de l’Observatoire de l’habitat fait donc état de grandes disparités au niveau de l’impact de l’arsenal fiscal et social pour soutenir l’accès au logement. Dans les grandes lignes, il est à constater que ces aides étatiques «profitent en large mesure aux propriétaires, et parmi eux, aux propriétaires les plus aisés».
Cinq catégories de revenus (ou quintiles) constituent la base pour évaluer l’impact des mesures prises en matière de logement. Il s’avère que les propriétaires des deux quintiles supérieurs (33 % des ménages) bénéficient de 56 % des gains résultant des dispositifs socio-fiscaux en place. Les propriétaires des deux quintiles inférieurs (20 % des ménages) bénéficient de 18,5 % des gains résultant de l’arsenal en place. Dans le camp des locataires, les deux quintiles inférieurs (20 % des ménages) bénéficient seulement de 6,6 % des gains.
Le fait que la grande majorité des ménages bénéficient d’au moins une mesure liée au logement (85 % des ménages des quintiles 1 et 5) ne permet pas de compenser les disparités entre propriétaires et locataires. «Le gain moyen associé à l’ensemble (des) dispositifs est supérieur pour les ménages les plus aisés.
Le gain moyen estimé est d’environ 132 euros par mois pour les ménages du quintile 1 (…) contre 240 euros par mois pour les ménages du quintile 5», conclut l’étude.
La liste des instruments de soutien est très longue. Du côté de l’accès à la propriété, on retrouve des aides en intérêt, des allègements fiscaux, des aides en capital ou encore le crédit d’impôt sur les actes notariaux («Bëllegen Akt»). Le soutien des locataires comprend notamment les subventions de loyer, la garantie locative, les logements subventionnés et également des allègements fiscaux. «Les dispositifs fiscaux avantagent les propriétaires les plus aisés, en particulier ceux qui ont des revenus issus de locations des biens», note l’Observatoire de l’habitat.
Seulement 2 % de logements abordables
Même si les aides au logement bénéficient en priorité aux ménages les moins aisés, il existe un obstacle majeur : l’important manque de logements locatifs à prix abordable.
«Les logements locatifs subventionnés sont particulièrement bien ciblés sur les ménages les moins aisés et représentent une aide importante pour les ménages bénéficiaires. Cependant, la part de ménages bénéficiant de ces logements est très limitée à ce jour du fait de l’offre restreinte de ce type de logements. Il est estimé que seulement 2 % des logements sont des logements abordables», constate le ministère du Logement.
Henri Kox annonce vouloir profiter des conclusions de cette nouvelle étude pour continuer à mieux équilibrer et cibler les aides au logement, tout en continuant les efforts pour élargir le parc locatif géré par la main publique. La Chambre des députés aura son mot à dire pour définir les efforts à consentir. Un débat de consultation sur la fiscalité s’annonce pour le mois de mars.
L’étude complète est à retrouver sur logement.public.lu – Observatoire de l’habitat (Publications)
L’effet trop marginal de l’impôt foncier
Il s’agit d’un tendon d’Achille de la crise du logement que connaît le Luxembourg. «L’impact de l’impôt foncier comme incitatif est en partie négatif. Cela s’explique par le fait que cet impôt n’a plus été adapté depuis 60 ans. Nous devons le réformer pour compenser le déséquilibre qui existe par rapport aux autres dispositifs fiscaux et sociaux», note le ministre du Logement, Henri Kox.
Les chiffres compris dans la dernière note de l’Observatoire de l’habitat démontrent l’urgence d’agir. Pour rappel : le gouvernement compte présenter avant les vacances d’été la réforme de l’impôt foncier, avec comme nouvel élément une taxation des terrains non construits et des logements inoccupés.
Actuellement, les montants de taxe foncière payés sont faibles quel que soit le niveau de revenu des ménages. La moyenne est de 8 euros mensuels par ménage propriétaire avec de légères différences par quintile (6,2 euros à 9,3 euros).
Les montants absolus variant très peu par quintile font que ce sont les propriétaires les moins aisés qui ont une charge fiscale foncière plus importante en comparaison aux ménages plus aisés étant donné que leurs revenus sont moins importants.
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