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Assemblée constituante : les droits humains méritent mieux


Gilbert Pregno, président de la Commission consultative des droits de l'Homme (CCDH) pour qui le texte constitutionnel se contente par moments de survoler les droits et les libertés. 

La Commission consultative des droits de l’Homme (CCDH) reproche à l’assemblée constituante d’avoir péché par omission dans son chapitre consacré aux droits et libertés et l’invite à revoir sa copie.

C’est le chapitre que la CCDH observe au microscope, celui dédié aux droits et libertés dans la révision constitutionnelle. L’avis qu’elle a présenté ce mardi 1er février relève des lacunes et de nombreuses zones floues dans le projet alors que «le texte constitutionnel doit être le garant suprême des droits humains garantis dans l’ordre juridique luxembourgeois».

Même si cela semble couler de source, il paraît nécessaire pour la CCDH d’affirmer la supra-constitutionnalité des traités internationaux de protection des droits humains dans le texte constitutionnel.

Pourquoi ? Parce que le juge luxembourgeois est plutôt réticent à appliquer les traités, répond la CCDH par expérience. Pour illustrer son propos, elle cite «la posture des juges internes relative au droit international des droits de l’enfant (notamment demandeur de protection internationale) dénoncée par plusieurs associations et par le comité onusien compétent».

Elle tient à alerter les membres de l’assemblée constituante que l’idée selon laquelle il serait inutile d’étoffer le catalogue des droits protégés dans la Constitution sous prétexte qu’ils sont déjà protégés en droit international ou européen pose un problème.

Pour la CCDH, cette attitude implique «une démission de la pensée constitutionnelle au profit de l’existence de normes internationales».

La CCDH craint que le chapitre de la Constitution consacré aux droits humains devienne «une coquille vide» tant que la protection réelle des droits et libertés demeurera de la responsabilité des traités internationaux.

Le constituant pourrait même aller plus loin que le droit international des droits humains, «pour donner tout son souffle à la tradition humaniste luxembourgeoise», comme suggéré par plusieurs organes comme la Commission de Venise, indique encore la CCDH.

Pour remédier à cette lacune, elle propose l’idée d’une clause qui ancrerait dans le texte constitutionnel un principe selon lequel les autorités publiques doivent toujours interpréter le droit luxembourgeois dans le sens le plus favorable à l’individu.

Flou et désordre

Autre inquiétude : d’autre part, la CCDH s’inquiète que le texte constitutionnel ne se penche pas davantage sur la position des droits humains dans le contexte d’états d’exceptions tels que l’état d’urgence ou l’état de crise qui, eux, sont bien ancrés dans la Constitution.

La CCDH les considère comme «des outils constitutionnels au potentiel redoutable pour la mise en péril des droits humains». Les droits humains devraient être renforcés dans ce contexte, suggère fortement la CCDH.

Cependant, elle apprécie tout de même que le nouveau catalogue des droits et libertés dans la Constitution luxembourgeoise «compte de nombreuses nouveautés, tel par exemple le droit d’asile».

Dans sa critique, elle s’étonne encore du maintien de la distinction entre Luxembourgeois et non-Luxembourgeois en ce qui concerne l’égalité devant la loi. «Cette séparation est incompatible avec la jurisprudence de la Cour constitutionnelle luxembourgeoise, ainsi qu’avec les traités internationaux qui prévoient l’égalité de toute personne, sans distinction de nationalité», rappelle-t-elle en exhortant le constituant à prévoir explicitement l’égalité de toute personne devant la loi, quelle que soit la nationalité, sauf exceptions, notamment en ce qui concerne les droits politiques.

Ailleurs dans le texte, la CCDH relève des imprécisions et un manque de lisibilité, dus en partie à une catégorisation des droits en quatre parties : les droits politiques, les droits fondamentaux, les libertés publiques qui peuvent être limitées par le législateur et les objectifs à valeur constitutionnelle qui seraient des volontés politiques non invocables en justice, comme l’explique la CCDH.

D’autres questions sont encore à revoir, comme le principe de non-discrimination, «timidement prévu», ou la protection particulière de l’égalité entre les femmes et les hommes et des personnes en situation de handicap, mais qui oublie les personnes âgées, les personnes LGBTIQA+ ou les enfants.

La CCDH invite l’assemblée constituante à s’appliquer à combler les lacunes et à remettre de l’ordre dans son texte.

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